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avec l’assentiment du ministère, l’une pour effacer les derniers restes des pénalités qui pesaient jadis sur l’exercice du culte catholique, l’autre pour étendre et régulariser les attributions du jury en matière de presse. La chambre des lords, sur la motion du chancelier, ajourna cette dernière résolution, par le motif que la session était trop avancée pour qu’on eût le temps de l’examiner avec maturité.

L’opposition, déjà si affaiblie par l’effet des inquiétudes que répandait la révolution française, réussit pourtant à annuler l’action du gouvernement dans une grande question de politique intérieure qui vint à surgir sur ces entrefaites. Il y avait déjà plusieurs années que l’impératrice de Russie, la grande Catherine, et l’empereur Joseph II, s’exagérant la décadence de l’empire ottoman, lui avaient déclaré la guerre dans le but de se partager ses dépouilles. Les évènemens de cette guerre n’avaient pas justifié leurs espérances, les Turcs s’étaient mieux défendus qu’on n’y avait compté, et des diversions imprévues avaient été opérées en leur faveur. Les troubles excités en Hongrie et dans les Pays-Bas, par des réformes imprudemment précipitées, avaient frappé l’Autriche d’une sorte de paralysie. La Russie, attaquée à l’improviste par les Suédois, s’était vue un moment dans un grand danger, et, ce qui ne la préoccupait guère moins, c’est que la Pologne, déjà mutilée par un premier partage, profitait du moment où ses plus redoutables ennemis n’avaient pas le loisir de l’opprimer, pour se donner une constitution monarchique et fibre : qui, en la délivrant du fléau de l’anarchie, lui eût permis à l’avenir des maintenir contre eux son indépendance.

Dans cet état de choses, le cabinet de Londres, d’accord avec celui de Berlin, crut qu’on pouvait profiter des embarras des deux cours impériales pour les obliger à renoncer à des projets ambitieux dont le reste de l’Europe s’alarmait à juste titre. Déjà, Joseph II étant mort au milieu de la crise qu’il avait provoquée, son successeur, le pacifique Léopold, s’était empressé d’ouvrir, sous la médiation de l’Angleterre et de la Prusse, des négociations pour le rétablissement de la paix ; après d’inutiles efforts pour obtenir la restitution de Belgrade, enlevée à l’Autriche un demi-siècle auparavant, il avait consenti à signer un traité qui remettait exactement les choses surie pied où elles étaient avant la guerre. L’Autriche et la Prusse pensèrent que la Russie, ainsi abandonnée, ne se montrerait pas plus difficile, et elles lui offrirent aussi leurs bons offices pour une pacification qui eût été fondée sur des bases semblables ; mais cette offre, faite dans des circonstances et avec des formes qui lui donnaient le caractère d’une