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de barbarie, et que par conséquent il fallait avant tout y mettre fin. Fox, dont la grande ame ne chercha jamais dans l’abandon de ses principes libéraux une occasion de popularité, un moyen d’attaque contre ses ennemis, parla, comme Pitt, dans le sens de la motion de Wilberforce. On leur répondit en vantant la justice, la politique, l’humanité de la traite. Des argumens d’une nature plus naïve furent aussi mis en avant. Un alderman de Londres, s’érigeant en organe du commerce, montra, dans l’alimentation de la population esclave, un débouché assuré pour le poisson pourri et pour d’autres denrées de rebut qui n’eussent pas trouvé d’autres consommateurs. La proposition, qu’avaient défendue à la fois le chef de l’opposition et celui du ministère, fut rejetée par une majorité qui comprenait près des deux tiers de la chambre.

Une des délibérations les plus importantes qui occupèrent le parlement dans le cours de cette session, c’est celle qui se rapporte au plan présenté par le ministère pour régler définitivement le gouvernement du Canada. Cette contrée, enlevée à la France depuis plus de trente ans, avait été jusqu’alors soumise à un régime provisoire. Pitt proposa de lui donner une organisation constitutionnelle dont il établit ainsi les bases principales. Le Bas-Canada, presque exclusivement habité par les anciens colons français, et le Haut-Canada, dont les rares habitans étaient au contraire pour la plupart de race anglaise, devaient former deux provinces distinctes. Dans la première, les lois civiles que la France y avait laissées étaient maintenues, tandis que la seconde était placée sous le régime de la législation anglaise. La population de l’une et de l’autre était admise à la jouissance de toutes les libertés qui caractérisent les sujets britanniques, et même à tous ceux des droits politiques qui peuvent se concilier avec la position d’une colonie. Ainsi, dans chacune des deux provinces, le pouvoir du gouverneur devait être limité par le concours d’un conseil législatif, sorte de chambre haute composée de membres nommés à vie par le roi, qui pourrait, si un jour il le jugeait à propos, les rendre héréditaires, et d’une chambre d’assemblée élue par les propriétaires.

Pitt, pour justifier cette organisation nouvelle de la colonie du Canada, expliqua que son intention avait été d’assurer aux colons français l’ascendant politique dans la portion du pays qu’ils occupaient, et, en ménageant ainsi leur amour-propre, en leur conservant leurs lois et leurs usages, en écartant d’eux jusqu’à l’apparence de la contrainte, de préparer, de faciliter leur accession volontaire à la législation anglaise, dont ils finiraient par reconnaître les avantages. Fox,