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venait jamais à concourir à des actes qui pourraient jeter le pays dans cette voie désastreuse, plutôt que d’y prêter la main il renoncerait à ses affections les plus chères et s’unirait à ses ennemis les plus acharnés ; il parla dans les termes. les plus durs et les plus méprisans des soldats français révoltés ; il mit en contraste avec les désordres et les excès populaires qui désolaient la France, le caractère aristocratique, légal, régulier, tout défensif, tout conservateur, de la révolution de 1688. L’effet de ce discours fut très grand. Fox s’empressa de protester qu’en approuvant d’une manière générale les évènemens récemment accomplis en France, il déplorait les excès qui s’y étaient mêlés, qu’il n’était pas plus partisan de la démocratie absolue que de la monarchie ou de l’aristocratie absolues, et qu’un gouvernement mixte, tel que celui qui régissait l’Angleterre, était le seul qu’il crût bon et possible ; mais en même temps il essaya de démontrer que la révolution de 1688, au lieu d’être exclusivement conservatrice comme on le prétendait, avait été, aussi bien que celle de 1789, une véritable et grande innovation. Sheridan, qui n’était pas comme Fox uni à Burke par une vieille affection, le réfuta avec moins de ménagement, l’accusant d’avoir outragé l’assemblée nationale et de s’être constitué l’apologiste du despotisme. Pitt, qui voyait sans doute avec une satisfaction secrète ce commencement de division entre ses plus redoutables adversaires, était trop habile pour y applaudir ouvertement et pour les avertir ainsi du mal qu’ils allaient faire à leur cause. Prenant la parole après eux d’un ton de modération et de dignité tout-à-fait convenable à sa position, il sembla n’intervenir que pour mettre fin à un débat pénible, et se borna à féliciter Burke du brillant hommage qu’il venait de rendre aux vrais principes, aux principes bienfaisans de la constitution britannique.

Dès ce moment, nous l’avons dit, tout se subordonnait à l’appréciation favorable ou contraire de la révolution de France, et l’approbation ou la désapprobation dont elle était l’objet devenait la ligne de séparation des partis. Les sectes religieuses dissidentes se déclaraient généralement pour la révolution, croyant trouver dans ses doctrines une force nouvelle ; les partisans zélés de l’église anglicane, les hommes de la haute église, comme on les appelait, se trouvaient naturellement rangés dans le parti opposé. Une vive polémique ne tarda pas à s’engager entre eux par la voie des journaux et des pamphlets. Elle exerça une influence considérable sur le succès d’une motion que Fox présenta bientôt après à la chambre des communes pour demander de nouveau la révocation de l’acte du test et de celui des corporations. A