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paralysent les facultés des hommes d’état ou égarent leur action, on l’avait vu diriger tous les efforts, toutes les ressources de son habileté dans une seule pensée, celle d’empêcher que l’avènement de la régence ne détruisît la position du grand parti qu’il avait fondé, auquel il avait lié son existence, et n’entraînât précipitamment l’Angleterre dans une voie nouvelle et hasardeuse. C’est vers ce but unique qu’il n’avait cessé de marcher, et en opposant un calme énergique aux attaques passionnées de ses ennemis, il était parvenu à dominer la situation, en sorte que rien ne s’était fait que comme il l’avait voulu, au moment où il l’avait voulu. Le roi, lorsqu’il put prendre connaissance de ce qui s’était passé pendant sa maladie, en conçut une aversion plus profonde encore pour l’opposition et pour son fils, qui avaient montré un empressement si peu dissimulé à faire entrer le gouvernement dans un autre système ; par une conséquence naturelle, il s’attacha de plus en plus au grand ministre qui avait déjoué les tentatives de l’opposition. Dans le parlement, la puissance de ce ministre s’accrut aussi avec la conviction de son inébranlable courage, de la grandeur de ses talens et de la constance de sa fortune. L’opposition, au contraire, se trouva affaiblie en proportion des illusions qu’elle s’était faites un moment. Une sorte de désespoir s’empara de quelques-uns de ses membres qui avaient cru toucher au terme de leur exil du pouvoir. Des principes de division commencèrent à fermenter dans son sein, et c’est à cette époque que remontent les premiers dissentimens qui devaient bientôt, en s’aggravant, briser la longue intimité de ses illustres chefs. Sous tous les rapports, on le voit, l’orage qui venait de se dissiper tourna, en Angleterre, au profit du pouvoir ; mais il n’en fut pas de même en Irlande. Les fonctionnaires publics qui s’y étaient compromis en votant la régence illimitée du prince de Galles, et qu’on s’empressa de destituer de leurs emplois, s’unirent définitivement aux adversaires habituels de l’administration, et l’opposition, jusque-là assez faible, fut dès-lors en mesure de prendre une attitude plus imposante.

Le reste de la session, déjà fort avancée, ne fut marqué par aucun évènement considérable. Une nouvelle proposition faite pour le rappel des actes du test et des corporations, combattue par Pitt dans l’intérêt de l’église établie, ne fut pourtant écartée qu’à la majorité de vingt voix. Au moment où le parlement allait se séparer, le ministère de l’intérieur, devenu vacant par la démission de lord Sidney, fut donné à William Grenville, cousin et ami de Pitt. Fort jeune encore, il venait d’être élu orateur de la chambre des communes, dans laquelle,