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propositions depuis si long-temps attendues, l’opposition, toujours maladroite dans son empressement, suscita encore l’occasion d’un nouveau délai. Croyant apparemment trouver des armes contre le projet du ministère dans un examen plus approfondi de la situation déplorable où se trouvait le roi, et qui, à ce qu’elle prétendait, ne laissait aucun espoir d’un rétablissement prochain, elle engagea, sur les opinions contradictoires émises par les médecins, une discussion très animée. Un nouveau comité fut nommé pour examiner ces opinions ; il employa sept jours à préparer un rapport dont les conclusions ne satisfirent pas les espérances peu déguisées des adversaires du cabinet. Pitt, s’appuyant sur ces conclusions mêmes, qui permettaient d’espérer la prompte guérison du roi, en tira un puissant argument en faveur des restrictions dont il convenait d’entourer une régence destinée vraisemblablement à une très courte durée, et il exposa enfin à la chambre le plan dont le prince de Galles avait eu communication.

L’opposition attaqua le projet de Pitt avec emportement. Lord North, Sheridan, lord Maitland, Grey, Fox, développèrent avec plus ou moins d’habileté, d’énergie et de convenance, des objections qui n’étaient pas toutes sans valeur. Ils signalèrent l’inconséquence qu’il y avait à affaiblir le pouvoir entre les mains de son véritable dépositaire, sous prétexte de prodiguer au roi des ménagemens et des égards qu’eût à peine expliqués l’excès de la superstition monarchique ; ils se plaignirent surtout de ce que le droit de créer des pairs, cette prérogative si précieuse pour le gouvernement dans des temps difficiles, était refusée au régent par un ministre qui, en six années, en avait créé quarante-deux sans qu’aucune circonstance extraordinaire justifiât une telle prodigalité de la première dignité du pays ; ils montrèrent les dangers de la division qu’on semblait se plaire à semer dans la famille royale en donnant à la reine une position qui la mettrait en état d’exercer une influence politique et de susciter au régent de sérieux embarras ; ils ne craignirent pas même de blesser le respect inné des Anglais pour la royauté, en déclamant contre la pompe dispendieuse et, à leur gré, dérisoire, dont on voulait continuer à entourer un souverain réduit à la triste situation où était tombé George III. Du côté du ministère, la défense ne fut pas moins ferme que l’attaque n’avait été vive. Lord Belgrave soutint que les restrictions proposées, en admettant même qu’elles ne fussent pas indispensables dans la conjoncture actuelle, avaient l’incontestable avantage de créer un précédent dont on se prévaudrait le jour où le hasard appellerait à la régence un prince moins vertueux. William Grenville expliqua, avec