Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/556

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’ecclésiastique qui l’avait célébré. Le roi comprit enfin que les choses avaient été poussées trop loin, et que, dans l’intérêt de tout le monde, il fallait étouffer la querelle. La veille du jour où la discussion devait s’ouvrir sur le projet d’adresse, Pitt alla trouver le prince et lui annonça, par ordre du roi, que tout serait réglé à sa satisfaction. La motion fut retirée comme n’ayant plus d’objet au milieu des témoignages d’une satisfaction universelle, et la chambre ne tarda pas à voter, sur l’initiative d’un message royal, les arrangemens nécessaires pour libérer le prince en lui laissant la possibilité de vivre d’une manière convenable à son rang. Il avait promis à son père, et cette promesse fut communiquée à la chambre, de réduire désormais ses dépenses au niveau de son revenu. Il ne fut pas long-temps fidèle à sa promesse.

Jusqu’à cette époque, à l’exception du traité de commerce conclu avec la France dont on n’avait pas encore eu le temps de constater les résultats, la politique de Pitt, si active et presque toujours si heureuse à l’intérieur, n’avait encore été signalée au dehors par aucun grand succès. Nous arrivons au moment d’un de ses plus éclatans triomphes. Depuis que l’influence française dominait exclusivement en Hollande, le parti démocratique, sur lequel elle s’appuyait, avait, nous l’avons dit, singulièrement réduit l’autorité du stathoudérat. Le nouveau roi de Prusse, Frédéric-Guillaume II, beau-frère du prince d’Orange, conçut le projet de la rétablir. Il fallait un prétexte d’intervention, il le trouva dans une prétendue insulte faite par des magistrats municipaux à sa sœur, la princesse d’Orange. Une armée prussienne, commandée par le duc de Brunswick, reçut l’ordre d’entrer sur le territoire des Provinces-Unies. Le gouvernement français, lié par un traité formel qui l’obligeait à défendre ce territoire, annonça aux puissances étrangères qu’il serait fidèle à cet engagement ; mais le cabinet de Londres déclara, en réponse à cette notification, que si la France intervenait dans la querelle, il y interviendrait aussi. Des mesures prises immédiatement pour accroître les forces du pays tant sur mer que sur terre, et un traité de subsides conclu avec le landgrave de Hesse-Cassel, prouvèrent que ce langage n’était pas une vaine démonstration. L’effet en fut décisif. Des mains habiles de M. de Vergennes, la direction des affaires étrangères de la France venait de passer dans celles de M. de Montmorin, moins fermes et moins expérimentées. Bien qu’on eût déjà commencé à rassembler des troupes sur la frontière, on se troubla à la pensée de commencer une nouvelle guerre avec des finances obérées et au milieu de la vive agitation qui