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des rapports étroits entre les deux peuples n’exerçassent une fâcheuse influence sur le caractère anglais, et, en corrompant les mœurs de la nation, ne préparassent la perte de sa liberté ; il rappela à Pitt les, sentimens de son père, si constamment hostiles à la France. Burke essaya d’établir que, de la part du gouvernement français, le seul fait d’augmenter sa puissance navale et commerciale était une agression contre l’Angleterre ; il tourna en ridicule ceux qui, sacrifiant toutes choses aux considérations commerciales, réduisaient en quelque sorte les luttes de deux grands empires aux proportions d’une rivalité de comptoirs. Windham entra avec non moins de chaleur dans cette espèce de croisade anti-gallicane, et ce fut aussi dans ce sens que le jeune Grey, qui venait seulement de prendre place au parlement, prit la parole pour la première fois. A l’expression aussi passionnée qu’éloquente de ces vues étroites, de ces préjugés haineux, qu’étaient venues appuyer les pétitions d’un comité de manufacturiers, Pitt opposa le langage de la raison, des vrais principes et d’une politique élevée. Il exposa de la manière la plus lumineuse les saines doctrines du commerce dans leur application spéciale à la situation de l’Angleterre. Il démontra qu’entre deux pays, l’un principalement riche des produits de son sol, l’autre supérieur par l’industrie, il y avait, par la nature même des choses, un intérêt réciproque à multiplier, à faciliter les échanges. Il fit voir que cet intérêt était surtout grand du côté de l’Angleterre, puisqu’en ouvrant à la France un marché de huit millions de consommateurs, elle s’en ouvrait un de vingt-quatre millions qui fournirait abondamment de l’emploi à ses ouvriers et à ses matelots, tandis que la France obtenait simplement un débouché pour ses produits naturels. Quant aux objections fondées sur la prétendue convenance d’entretenir les dispositions réciproquement hostiles des deux peuples, il les repoussa comme d’odieux et absurdes sophismes, contraires également au bon sens et à l’humanité, et qui auraient pour conséquence logique la nécessité de renoncer à jamais aux bienfaits de la paix et du commerce. Il manifesta l’espoir que les heureux résultats du traité, sans désarmer l’Angleterre et en lui préparant même des moyens plus puissans de faire la guerre, si elle devenait indispensable, éloigneraient les chances de collision par cela même qu’ils inspireraient aux gouvernemens des idées modérées et pacifiques. Il déplora les maux sans nombre que la France et l’Angleterre, que le monde entier avait trop long-temps soufferts par suite de cette rivalité qu’on semblait vouloir perpétuer. Il vanta la franchise apportée par le cabinet de Versailles dans la dernière négociation,