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grand-maître de l’artillerie, pour fortifier les arsenaux maritimes de Plymouth et de Portsmouth. Pitt, qui s’était vivement pénétré de l’importance de ce projet, en expliqua habilement les avantages à la chambre des communes ; il proposa de déclarer, par forme de résolution préalable, qu’afin de pourvoir, en temps de guerre, à la sûreté de l’état et à la défense générale du royaume en laissant aux forces navales la liberté de protéger le commerce, de veiller à la défense des possessions éloignées et de se livrer à des opérations agressives, il importait de couvrir ces arsenaux par un système permanent de fortifications fondé sur les principes les plus économiques et combiné de manière à exiger aussi peu de troupes que possible. La seule annonce de ce plan avait vivement inquiété les esprits, toujours prévenus, en Angleterre, contre ce qui tend à augmenter la puissance.de la force armée. Les journaux l’avaient attaqué avec violence, un grand nombre de pamphlets en avaient dénoncé les inconvéniens, et l’opinion publique s’était vivement émue. A la chambre des communes, le projet rencontra une forte opposition, non-seulement de la part des ennemis du ministère, mais encore de beaucoup de membres qui votaient ordinairement avec lui. Les uns exprimèrent la crainte que le gouvernement, se reposant sur ce moyen de défense, ne donnât désormais moins de soin à l’accroissement de la marine ; les autres se refusèrent à autoriser des dépenses considérables et immédiates pour parer à des dangers éloignés et hypothétiques ; d’autres encore prétendirent que les fortifications projetées rendraient nécessaire, quoi qu’on en pût dire, une grande augmentation de l’armée. Sheridan se montra surtout préoccupé des périls qui pouvaient menacer la liberté, si un gouvernement conspirant contre la constitution trouvait un point d’appui dans les fortifications proposées. Lorsqu’on alla aux voix, la chambre se partagea en nombre égal pour et contre la proposition ; la voix de l’orateur, qui ne vote jamais que lorsqu’il y est forcé par un semblable partage, porta la majorité du côté des opposans.

Pitt fut très contrarié de ce résultat, mais l’impression pénible qu’il en éprouva s’effaça bientôt devant l’adoption d’un autre projet auquel il attachait plus de prix encore. Le succès des mesures financières dont il avait pris l’initiative deux ans auparavant avait dépassé l’attente de ses plus chauds partisans, et probablement ses propres espérances. Dans un aussi court intervalle, il était parvenu, non-seulement à combler le déficit, mais à élever le revenu de l’état de près d’un million sterling au-dessus des besoins. Il voulut tirer parti de cette situation florissante pour donner une base solide au crédit, au