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premier lieu, d’autoriser l’importation en Angleterre, par la voie d’Irlande, des produits des colonies des Indes occidentales, qui jusqu’alors devaient toujours être importés directement du lieu de leur provenance ; en second lieu, de permettre l’échange mutuel entre les deux îles, à des conditions égales, des produits de leurs manufactures. Pour compenser les avantages que ces circonstances devaient procurer à l’Irlande, elle aurait consenti à concourir, dans une proportion déterminée, aux dépenses générales de la marine.

Ce projet avait rencontré une vive opposition chez les négocians et les manufacturiers anglais, qui se croyaient menacés par de tels changemens et qui s’empressèrent d’envoyer à la chambre des communes des pétitions dans lesquelles ils en demandaient le rejet. Pitt, pour les apaiser, ne tarda pas à joindre à ses premières propositions des propositions nouvelles qui en étaient peut-être la conséquence nécessaire, mais qui certainement en restreignaient la portée. En vertu de ces dispositions supplémentaires, la législature irlandaise était tenue d’adopter toutes les lois de navigation émanées du parlement britannique, et il était interdit aux Irlandais de trafiquer avec les contrées situées au-delà du cap de Bonne-Espérance et du détroit de Magellan, jusqu’à l’expiration du privilège de la compagnie des Indes.

Ce plan fut vivement attaqué dans la chambre des communes. Fox le combattit au nom de l’industrie britannique. Sheridan, Irlandais de naissance, s’éleva surtout contre la clause qui, en obligeant la législature de Dublin à accepter, dans certains cas, sans contrôle, les décisions de celle de Londres, détruisait son indépendance. Pitt défendit très habilement un système qu’il avait élaboré avec le plus grand soin. C’était, suivant lui, le seul qui pût consolider l’union des deux royaumes, leur créer des liens d’affection et une réciprocité d’intérêts, enrichir l’un sans appauvrir l’autre, les fortifier tous deux, prévenir ainsi des collisions funestes, de nouveaux démembremens de l’empire, enfin réparer les pertes que la dernière guerre avait infligées à la monarchie : des expédiens, des remèdes partiels ne suffisaient plus pour calmer les souffrances de l’Irlande et imposer silence à ses plaintes ; la mesure proposée était le seul moyen qu’eût l’Angleterre de se relever parmi les nations.

Après des débats très animés et très approfondis, les résolutions furent votées à la majorité de 276 voix contre 155. La chambre des lords, qui ne les discuta pas avec moins d’attention, y introduisit quelques amendemens auxquels adhéra la chambre des communes.