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l’avenir, à lui présenter des excuses. Je le ferai d’autant plus volontiers que j’y trouverai l’occasion d’expliquer à la chambre la nature de l’offense dont il se plaint et la cause qui y a donné lieu. J’ai long-temps admiré les grands talens, l’éloquence merveilleuse, la puissante dialectique dont il est si éminemment doué ; mais il possède encore d’autres facultés qui n’ont pas dû me frapper d’une manière moins vive dans l’appréciation générale de son caractère, ni moins exciter mon étonnement. C’est l’usage qu’il vient de faire de quelques-unes de ces facultés qui a provoqué de ma part la conduite pour laquelle il m’a censuré avec tant de rigueur. Trouvant que la question soumise à la chambre ne se prêtait à aucun de ses thèmes favoris, il s’est attaché, suivant sa coutume et avec son adresse ordinaire, à introduire dans le débat une autre matière plus propre à lui fournir l’occasion de satisfaire ses ressentimens passionnés et d’exhaler les émotions violentes, les implacables rancunes qu’explique si naturellement sa situation actuelle. Les tortures de l’espérance trompée, de l’orgueil humilié, de l’ambition déçue, lui deviennent plus poignantes encore par la triste conviction qu’il ne peut attribuer qu’à l’abus imprévoyant et immodéré de son pouvoir et de son influence, aujourd’hui évanouie, les malheurs sur lesquels il s’efforce si constamment, avec tant de pathétique, mais avec si peu de succès, d’appitoyer la chambre. Compatissant, comme je le fais, à une telle position, je déclare que je me croirais inexcusable, si les emportemens d’un esprit succombant sous le poids accumulé des regrets dévorans, des illusions détruites et des reproches douloureux qu’il se fait à lui-même pouvaient exciter en moi une autre émotion que celle de la pitié ; je proteste qu’ils n’ont pas la puissance de provoquer mon courroux, pas même mon mépris. »

L’opposition, au milieu de tant de défaites, eut cependant la satisfaction de voir échouer un projet auquel Pitt attachait une grande importance. L’acte qui avait reconnu, trois ans auparavant, l’indépendance du parlement irlandais, avait singulièrement relâché les liens qui unissaient l’Irlande à la Grande-Bretagne. Pour les resserrer, pour soulager la misère du peuple irlandais, pour unir les deux pays par des rapports d’intérêts réciproques, Pitt conçut la pensée d’abaisser les barrières commerciales que le régime des douanes et de la navigation opposait encore aux communications intimes de ces deux parties intégrantes de l’empire. Après avoir obtenu du parlement irlandais le vote d’une série de résolutions préalables qui posaient les bases générales du nouveau système, il en proposa l’ensemble et les détails à la chambre des communes d’Angleterre. Il s’agissait, en