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Après ce dernier effort de la coalition vaincue, Pitt, maître enfin du champ de bataille, put consacrer directement au service de sors ; pays des forces et des talens qu’il avait dû jusqu’alors employer à sa propre défense. Une année de paix, troublée par tant d’agitations : intérieures, n’avait pu suffire pour réparer les désastres de la guerre. Le commerce n’avait pas encore repris son activité, les dépenses de l’état n’avaient pas cessé de dépasser les revenus, et le taux des fonds publics était resté très bas. Une des grandes causes du déficit financier, c’était l’énorme développement de la contrebande, qui réduisait considérablement le produit des douanes. Pitt comprit que, pour anéantir cette contrebande, il ne suffisait pas de lui opposer une répression plus vigoureuse, et qu’il fallait aussi en diminuer les bénéfices par l’abaissement des droits imposés à l’entrée dans le royaume des objets sur lesquels elle s’exerçait principalement, le thé et les spiritueux. Trois bills savamment combinés pour atteindre ce double but furent soumis au parlement, qui les adopta après une discussion approfondie. Les résultats en furent aussi prompts que complets, et la cessation immédiate de la contrebande prouva la futilité des objections que les opposans avaient élevées contre le plan du chancelier de l’échiquier.

Outre le déficit annuel, qui s’élevait à plusieurs millions de livres sterling, il fallait faire face à une dette flottante de 13 millions, provenant de la dernière guerre. Pitt proposa de la consolider en entier dans l’espace de deux ans. Il proposa en même temps un emprunt de 6 millions sterling et une série de taxes habilement réparties sur les objets de luxe et sur ceux qu’on pouvait grever sans en restreindre la consommation. Jusqu’à cette époque, le gouvernement avait toujours distribué les emprunts entre les hommes influens dont il voulait se ménager l’appui ou récompenser les services ; c’est assez dire qu’il les leur accordait à des conditions plus favorables pour eux que pour l’état. Pitt, renonçant à ce puissant moyen d’influence et de patronage, afin de ménager au trésor le bénéfice de la concurrence, demanda que l’adjudication fût faite au plus offrant. Toutes ces propositions obtinrent l’assentiment du parlement, et, comme nous le verrons bientôt, l’évènement justifia au-delà de toute attente les calculs qui les avaient dictées.

Une grande question restait à résoudre, celle du gouvernement de l’Inde. En repoussant avec tant d’éclat le plan présenté par Fox, Pitt s’était engagé à opérer par d’autres moyens des réformes jugées unanimement nécessaires et urgentes. Nous avons vu que, dans le