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Le recrutement pourrait fournir, mien-, que l’inscription elle-même, ces deux classes d’hommes spéciaux, canonniers et soldats de marine, qui ne devraient jamais excéder le quart de l’équipage. Quant aux hommes qui doivent gouverner le navire, et qui sont plus particulièrement chargés du service des hunes, comme les timoniers et les gabiers, ils ne peuvent sortir que de l’inscription, et devraient avoir également reçu une instruction spéciale qui garantit à tout bâtiment de la flotte que ces élémens indispensables ne manqueraient point à la composition de son équipage.

Si l’on prenait soin, après avoir pourvu à toutes ces nécessités d’un navire de guerre, de fixer la proportion dans laquelle les hommes qui ont navigué au long cours et ceux qui n’ont jamais navigué que sur un bateau doivent être appelés à la formation du contingent de marins inscrits dont je voudrais composer les trois quarts de tous nos équipages, on serait assuré que tout bâtiment français, sortant du port, emporterait avec lui les moyens de faire face à toutes les éventualités de la guerre et de la navigation. Il faut cependant ajouter que des matelots, des soldats et des canonniers ne sont encore que les élémens d’un bon équipage, et que cet équipage n’est réellement constitué qu’après quelques mois de campagne. Ce n’est qu’alors que l’on a sous la main une réunion d’hommes compacte et intelligente, habituée à la voix de ses officiers, que l’on précipite ou que l’on retient à son gré, pour laquelle enfin le jour du combat ressemble à un jour d’exercice. Telle est la raison qui doit nous faire conserver et étendre, s’il se peut, le salutaire principe des armemens permanens, armemens de prévoyance sans lesquels il n’y aurait pour nous, au début d’une guerre, que la chance d’héroïques, mais inutiles sacrifices. Armer des vaisseaux à la hâte, au moment même du besoin, les envoyer à la rencontre de l’ennemi sans leur avoir laissé le temps de s’organiser et de se reconnaître, ce serait vouloir combattre avec un acier mal trempé qui trahirait le bras le plus ferme et le plus intrépide.

Malheureusement, le mode de composition mixte et de levées permanentes dans les quartiers que nous avons adopté pour le recrutement de notre flotte, en nous obligeant à renouveler nos équipages par portions plus ou moins considérables dans le cours d’un armement, ne nous permet point de retirer tout le fruit que nous devrions attendre des dépenses auxquelles nous nous soumettons pour avoir toujours sur pied des vaisseaux prêts à agir. Ces renouvellemens successifs détruisent à chaque instant cette force d’ensemble et de cohésion dont la puissance est incalculable, car, à peu près nulle le jour où