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rentra dans Calcutta, mais il s’empara du fort d’Houghly, qui commande un des bras du Gange.

Le nabab du Bengale proposa alors une alliance à nos agens de Chandernagor. Intimidés par la catastrophe de Dupleix, ils n’osèrent accepter l’offre de l’Indien ; ils poussèrent même la pusillanimité jusqu’à signer un prétendu traité de neutralité avec Clive. C’est alors vers le chef britannique que se tourna le nabab, repoussé par les Français. Il s’allia à Clive, qui, débarrassé de ce dangereux ennemi, marcha sur le comptoir de Chandernagor et l’enleva à la France. De cette époque date l’établissement réel et définitif des Anglais au Bengale, qui devint le centre de la puissance de la Grande-Bretagne dans l’Inde. Ce fut un coup de partie. En se portant sur le Gange, sur cette grande artère de l’Indostan, Clive fut encore mieux inspiré que Dupleix. Le Bengale valait plus que le Dekhan. On ne conçoit pas comment la même pensée ne vint pas à un homme tel que le gouverneur français, surtout après le long séjour qu’il avait fait à Chandernagor. Si ce comptoir avait été le chef-lieu de l’empire français dans l’Inde, au lieu de Pondichéry, perdu à une des extrémités de la péninsule, nous aurions été maîtres de l’embouchure du Gange, et le développement de Calcutta devenait impossible, ou du moins très difficile ; mais, quand bien même cette considération n’eût pas échappé à Dupleix, il ne pouvait pas la faire prévaloir. Il avait trouvé une espèce de capitale établie à Pondichéry, où des travaux importans et coûteux avaient été faits par ses prédécesseurs ; Pondichéry avait déjà l’aspect monumental d’une ville du premier ordre, lorsque Chandernagor existait à peine. Quoi qu’il en soit, devenus souverains du Bengale où Clive avait opéré une révolution dynastique, les Anglais régnaient désormais sur l’Indostan.

La paix d’Aix-la-Chapelle n’avait pas été durable ; les hostilités entre la France et l’Angleterre avaient recommencé. La guerre de sept ans (1756) venait de s’ouvrir. Dans ces conjonctures, on résolut d’envoyer dans l’Inde un commandant en chef revêtu d’un haut grade militaire. Malgré les sages conseils du ministre d’Argenson, la compagnie, où dominaient les ennemis de Dupleix, fit décider l’envoi du comte de Lally, Irlandais d’origine, lieutenant-général et grand’croix de Saint-Louis. Ce général professait, relativement aux affaires de l’Inde, un système entièrement semblable à celui de La Bourdonnais tomber sur les Anglais, les chasser par la force des armes, et renoncer aux alliances avec les princes du pays. Lally traitait ces alliances d’extravagantes ; il en proclamait l’inutilité et même le danger. Il annonçait