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réduit à lui-même, ne pouvait être d’aucun profit, à cause des entraves de tout genre que les Indiens y apportaient, des droits dont les marchandises se trouvaient frappées et qui absorbaient les bénéfices, des extorsions sans fin et sans terme des rajahs, nababs, zemindars, et surtout à cause de la nécessité d’entretenir des troupes pour la défense des comptoirs. Il n’y avait donc pas de milieu entre la conquête ou l’abandon.

Ce plan ne pouvait être accompli avant la mort de Nizam-el-Molouck. Le vice-roi du Dekhan était trop bien maître dans sa province, qu’il gouverna, fort au-delà du terme ordinaire de la vie humaine, avec autant de modération qu’on peut en attendre d’un despote oriental, et avec beaucoup de prudence et de sagesse, tenant la balance entre les diverses nations étrangères dont les comptoirs étaient placés sous sa protection. Il était également aimé, ou du moins recherché, considéré et craint des Anglais et des Français. Dupleix vivait avec lui dans les termes d’une déférence amicale, et lui témoignait son respect par des présens d’une valeur proportionnée à la puissance du soubadar. Nizam-el-Molouck mourut à l’âge de cent sept ans. Dans ces étranges contrées, tout est merveilleux, même la durée de l’existence. La faiblesse et la force y sont également sans mesure. L’homme s’y consume ou s’y trempe à un soleil excessif comme ses passions.

Tant que le vieux Nizam avait vécu, les desseins du gouverneur français de Pondichéry ne pouvaient pas être réalisés ; mais, mûris, en silence dans la prévision de sa mort, ils trouvèrent une application immédiate. Dupleix avait fondé sur la conservation de Madras l’espoir non chimérique de l’expulsion des Anglais hors de la presqu’île méridionale de l’Inde. Déçu dans ses espérances par la faiblesse du cabinet de Versailles, il ne renonça pas à ses desseins, mais il leur donna un autre aliment. Si Madras lui échappait, le Dekhan restait ouvert devant lui : ce fut là qu’il résolut de trouver une ample indemnité.

Nizam-el-Molouck avait laissé un fils nommé Nazyr, et un petit-fils appelé Mursapha. Né d’une de ses filles et d’un barbier favori, ce jeune homme avait été l’appui et l’amusement de la vieillesse centenaire du soubadar ; Nazyr, au contraire, s’était révolté contre son père, qui l’avait déshérité au profit de son petit-fils. Voilà du moins ce qu’alléguaient les partisans de Mursapha. La puissance qui protégerait cet héritier douteux obtiendrait tout de lui. D’un coup d’œil rapide, Dupleix embrassa la situation ; il n’hésita pas à reconnaître les prétentions de Mursapha, d’autant plus que les Anglais s’étaient déclarés