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Marie de Médicis, la marquise de Guercheville, de la maison de Pons, avait frété un navire pour porter des missionnaires en Acadie. Sans doute, la propagande religieuse était le vrai motif de ces entreprises Coligny voulait faire des protestans, Mlle de Pons des catholiques ; mais alors la foi dominait et animait tout. Cependant, lors de la création de la compagnie des Indes, ce mobile n’agit qu’indirectement sur Louis XIV et sur Colbert ; la première ardeur religieuse était passée, la réaction n’était pas encore venue ; l’édit de Nantes avait toujours force de loi. Le christianisme ne fut pas oublié dans les considérans de l’ordonnance royale de Vincennes, mais l’extension du commerce n’en resta pas moins l’objet principal du roi et du ministre. Ils désignèrent l’île de Madagascar comme centre d’opérations ; elle fut choisie pour être le chef-lieu de la colonie, parce que « les habitans, » disait l’ordonnance, « étaient bonaces, ce qui rendait Madagascar bien préférable à Java, qui, étant occupée par des peuples belliqueux et féroces, ne pouvait rester long-temps aux Hollandais. » La prédiction officielle est encore à s’accomplir. Madagascar appartenait au maréchal de La Meilleraie ; le roi le lui reprit pour 20,000 francs et le donna à la compagnie. Il racheta également de leurs propriétaires Saint-Christophe, la Martinique, la Guadeloupe ; mais le succès ne vint pas récompenser les efforts du prince et de ses sujets. Madagascar, nommée l’île Dauphine, ne devint d’aucun profit entre les mains de la compagnie, qui elle-même fut sur le point de s’éteindre entre les exigences des amiraux pour leurs droits de prise, et les prétentions des fermiers-généraux et des chambres du commerce, qui se disputaient l’entrée des marchandises des Indes et le débit de ces importations dans l’intérieur du royaume. La compagnie, anéantie sous Louis XIV, ne se releva qu’au commencement du règne suivant. Toutefois, si l’établissement de cette société n’avait pas complètement atteint son but dans l’intérêt de la colonisation et du commerce, elle n’en donna pas moins une direction rapide et puissante à la marine militaire. De cette époque datent les plus beaux travaux sur nos côtes et nos plus brillantes victoires sur mer. La France, en 1681, fut mise à la tête de cent quatre-vingt-dix vaisseaux et de cent soixante-dix mille marins bien exercés. Colbert fit réparer La Rochelle, agrandir le Hâvre, fortifier Toulon, Brest, Dunkerque ; il créa Cette et Rochefort. A un signe du grand roi, des flottes invincibles sortirent de nos ports pour la défense du pays et l’honneur du pavillon ; les Français de tous les ordres s’y enrôlèrent en foule, et s’y montrèrent frères en courage et en dévouement. Tourville et Jean-Bart, Harcourt et Duquesne,