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LA FILEUSE, à sa fille.

J’ai beau tourner ma quenouille, jamais rien ne va comme je veux. Quel ciseau de malheur me coupe donc mon fil ?

LA FILLE.

Hélas ! ces ciseaux sont les miens. Votre fil, c’est moi qui l’ai pris pour lier les roses de mon amant.

LE GARCON, à la jeune fille.

Si mon père me refuse ses fleurs, j’en saurai bien trouver une, une dont le calice est beau, mais dont la racine est du poison.

LA JEUNE FILLE.

Si ma mère me sépare de toi, j’assemblerai secrètement tous les fils de sa quenouille jusqu’à ce qu’ils forment un lacet à me passer au col.

LE JARDINIER, à la fileuse.

Mon garçon commence à perdre la tête et met sens dessus dessous mon jardin. C’est pourquoi je viens vous prier de lui donner pour femme votre fille.

LA FILEUSE.

Pour mettre fin aux soupirs de ma fille chérie, que votre fils la prenne, et son rouet aussi avec elle.

LE FIANCÉ.

Par tous les dieux d’amour ! je ne veux désormais plus planter que des roses, et, pour qu’elles prospèrent, tu vas donc, ô soleil, habiter avec nous.

LA FIANCÉE.

O Parque, laisse là ta quenouille ! je saurai bien me filer ma destinée moi-même. Amour, que ton rouet d’or me file la soie du bonheur !

LE JARDINIER.

L’ivresse du moment passée, la faim fera valoir ses droits, et je vois déjà dans le jardin pousser à la grace de Dieu des carrés de légumes.

LA GRAND’MÈRE.

Bien qu’il ne soit point d’or, le fuseau va tourner, tourner des lunes entières, afin qu’au bout de l’an le petit-fils, en venant au monde, trouve ses langes prêts.


Italiam ! Italiam ! ce fut jadis le cri des empereurs d’Allemagne, aujourd’hui c’est le cri des poètes. Combien de nobles voyageurs l’Allemagne moderne n’a-t-elle pas envoyés de l’autre côté des Alpes, depuis Wolfgang de Goethe, qui s’en allait rêver à son Iphigénie dans les silencieuses solitudes du Colysée, jusqu’à Platen, jusqu’à ce Wilhelm Waiblinger, poétique et intéressant jeune homme, physionomie aimable, studieuse, originale en ses goûts d’archaïsme, reproduction germanique de notre André Chénier, et qui, dans son infatigable croisade au sépulcre d’un monde, devait trouver si tôt sa propre tombe, où ses ossemens reposent à l’ombre du laurier-rose de Virgile ! Étrange inspiration que celle-là ! singulier pèlerinage, où l’on s’étonne