Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/330

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du mal est-elle, comme on ne cesse de le répéter, dans l’exagération des droits ? Nous ne le croyons pas. L’impôt municipal de 39 francs par tête n’apporte au chef d’une famille de quatre à cinq personnes qu’une surcharge journalière d’environ 50 centimes. Or, cette différence est au moins compensée, dans l’état normal, par la supériorité des salaires à Paris. Si les ouvriers souffrent, c’est moins par les exigences de la municipalité parisienne que par l’effet d’un désordre croissant dans les rapports industriels. On pourrait toutefois atténuer le mal par quelques mesures depuis long-temps réclamées. Il y aurait à essayer si une forte réduction des droits d’entrée sur les boissons, combinée avec une extrême sévérité contre les falsificateurs, n’augmenterait pas la consommation du vin naturel assez pour compenser la perte volontaire du fisc. On demande de toutes parts que la taxe sur la viande soit prélevée, non plus par tête, mais au poids, et une proposition à ce sujet vient d’être portée à la tribune. N’est-il pas évident que l’impôt par tête, écartant du marché les petits animaux, constitue un monopole au profit des pays où les bestiaux sont de grande race, et que le défaut de concurrence, par suite de ce monopole, est la cause principale de l’enchérissement de la viande ?

Quant au budget des dépenses, le trait saillant est l’augmentation progressive des frais d’administration, de police, de gérance fiscale. L’abus nous paraît surtout remarquable dans la direction des hôpitaux. La tutelle du malheur est loin d’être gratuite : elle absorbe en appointemens, en frais de bureaux, à peu près le sixième du revenu. Dans le compte détaillé des dépenses, on trouve à peine 10 millions sur 12 employés en objets directement utiles aux pauvres. Et pourtant une économie religieuse serait bien indispensable dans une administration dont les ressources sont tellement inférieures aux besoins. Sait-on, par exemple, en quoi consistent ces secours à domicile, auxquels, suivant les comptes des bureaux de bienfaisance, 86,400 personnes ont eu part ? Nous avons honte de répondre : c’est pour chacun 15 francs par an, moins de un sou par jour !

Notre dernière observation sur l’emploi des revenus parisiens concerne le chapitre des travaux extraordinaires. Le zèle passionné de nos magistrats pour l’embellissement de la ville est sans doute fort louable : la splendeur d’une métropole n’est pas une satisfaction de vanité ; elle importe à la prospérité commerciale, au bien-être réel des habitans. Les plans à l’étude sont conçus de manière à remplacer par de beaux monumens les ignobles quartiers qui déshonorent la capitale ;