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tion. Malte, depuis cette époque, vit paisible, sinon heureuse ; sous la domination anglaise, qui a réprimé et non éteint l’ardente nationalité des indigènes. Quelques années plus tard, notre expédition de Morée réveilla en notre faveur chez les Maltais une ancienne et secrète sympathie, qui plus récemment, à l’époque de la prise d’Alger, se manifesta avec une certaine violence. En voyant soumis leurs éternels ennemis, les Maltais, dans un premier moment d’enthousiasme, émigrèrent en grand nombre vers l’Afrique, dont ils savaient la langue, et offrirent leurs services à la colonie naissante. On ne sut pas tirer parti de cette population active, sobre, courageuse, et, au lieu d’aider, elle embarrassa. L’histoire de Malte est loin d’être finie ; son importance s’accroît tous les jours, et en raison de cette importance même l’avenir lui réserve sans doute des vicissitudes pareilles à celles du passé. Les rêves de la Russie se sont souvent tournés vers le bastion qui compléterait si bien l’empire d’Orient ; le roi des Deux-Siciles, de son côté, a essayé plus d’une fois d’en ressaisir la suzeraineté. La France regrette Malte et laisse au temps, qui détruit tout, le soin de lui conserver la secrète prédilection des habitans. L’Angleterre, fière de sa puissance et sentant tout le prix de sa conquête, règne sans s’inquiéter de la froideur des Maltais, qu’irritent chaque jour le poids des impôts et les dissidences religieuses. Elle compte, avec raison sans doute, que ces dissentimens s’éteindront peu à peu par l’habitude, cette seconde nature. Quant aux chevaliers, ils sont maintenant dispersés en Italie et dans quelques états d’Allemagne. Un noble Florentin, le bailli Orsini, est aujourd’hui grand-maître de cet ordre, qui n’existe plus, quoi qu’on en dise, qu’à l’état de rêve dans quelques têtes blanchies par l’âge, dans quelques cœurs auxquels les années n’ont pas enlevé les illusions puériles d’un temps qui n’est plus. Il n’y a pas plus de cinq ans cependant que les cours de Rome et de Naples ont fait en sa faveur un dernier effort. Elles ont concédé de nouveau aux chevaliers les propriétés que l’ordre possédait autrefois dans ces deux, royaumes, et dont on n’avait pas antérieurement disposé. Le don n’était pas considérable, et avec l’empereur Alexandre les chevaliers ont perdu leur plus puissant protecteur. Pour dernière ressource, — et cette ressource est beaucoup plus importante qu’on ne pourrait le supposer, — il ne leur reste qu’à accorder aux gentlemen anglais, moyennant tribut, le droit de porter l’élégant uniforme des chevaliers ; mais jusqu’à présent, malgré de pressantes sollicitations, ils ont refusé avec un dédain digne d’un autre temps