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MALTE.




C’était, il m’en souvient, au mois de mai, par une fraîche matinée. Le soleil rayonnait déjà au milieu d’un ciel sans nuages ; une folle brise, née avec le jour, courait autour de nous sur la mer calme, sereine, toute bleue, égratignait le sommet des plus hautes lames et répandait sur cette plaine d’azur quelques flocons d’écume. Le navire glissait sans roulis et sans bruit, comme par enchantement. Nous étions partis la veille au soir de Syracuse et nous approchions de Malte. Bientôt en effet nous vîmes grandir à l’horizon un point blanc qui nous était apparu le matin comme une petite perle enchâssée dans une immense turquoise, et nous avançâmes rapidement vers l’île des chevaliers. Vue de la mer et à distance, Malte ressemble à un piédestal de marbre blanc, large, peu élevé, de forme oblongue, établi au milieu des flots, et attendant quelque statue gigantesque. En approchant, on voit cette immense pierre prendre une forme, sans rien perdre de sa sécheresse, de sa rectitude, et enfin une ville blanche, sans toits, sans fenêtres, apparaît comme taillée dans ce bloc éclatant. Le soleil pétille sur ces murs éblouissans dont les arêtes se découpent avec une netteté frappante sur l’azur foncé du ciel. Quand on n’a jamais vu les pays d’Orient, on se croit transporté dans une de ces villes si souvent rêvées, et l’on cherche sur les remparts la svelte silhouette de quelque palmier, accessoire obligé de tout paysage oriental ; mais