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du cabinet commençât par donner sa démission pour qu’on pût traiter avec lui d’égal à égal. Une telle exigence fut prise avec raison pour un refus.

Les députés du club de Saint-Alban, les indépendans, comme ils s’appelaient, ne se découragèrent pas. Ils transportèrent dans la chambre même le théâtre de leur diplomatie conciliante. Un d’entre eux, appelé Grosvenor, après avoir déploré prolixement les funestes effets de ces longues querelles, présenta un projet de résolution qui portait que l’état critique et difficile des affaires publiques appelait impérieusement une administration ferme, unie, formée sur de larges bases, digne de la confiance du peuple, telle enfin qu’elle pût terminer les malheureuses divisions auxquelles le pays était livré. Cette résolution fut votée après un très court débat. Celle qu’un autre député proposa ensuite et qui déclarait que les ministres, en restant à leur poste, mettaient obstacle à la formation du cabinet désigné par la résolution précédente, rencontra plus de résistance ; cependant elle passa aussi à la majorité de 223 voix contre 204. Dans le cours de la discussion, Fox reprocha à Pitt de mettre sa propre opinion au-dessus de la sagesse de la chambre, et de prolonger ainsi une scission déplorable entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Pitt, en repoussant ces imputations, renouvela ses protestations de désintéressement personnel. Powis, l’organe habituel du club de Saint-Alban, déclara qu’il considérait Pitt comme le premier caractère politique du pays, mais qu’il ne pouvait lui sacrifier les principes de la constitution violés par l’existence d’un cabinet frappé de la réprobation des communes, et il vota avec l’opposition.

La chambre des lords était restée jusqu’alors spectatrice passive de la lutte ; elle crut enfin devoir venir au secours de la royauté, qu’elle y avait en quelque sorte poussée en l’aidant à renverser le ministère de coalition. Sur la motion de lord Effingham, elle prit, à la majorité des deux tiers de ses membres, deux résolutions importantes : l’une, conçue en termes généraux, mais non équivoques, qualifiait d’inconstitutionnel le vote par lequel les communes avaient annulé à elles seules une mesure prise antérieurement par les trois pouvoirs en faveur de la compagnie des Indes ; l’autre reconnaissait le droit incontestable et exclusif, conféré au roi par la constitution, de nommer aux grandes charges du pouvoir exécutif, et manifestait pour l’exercice de cette prérogative une pleine confiance dans la sagesse du monarque. La chambre des communes se borna à opposer à la première de ces résolutions une contre-déclaration fort développée qui n’était que la