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l’accabler : il protesta que le plus ardent désir des ministres, c’était précisément une enquête qui leur permit de démontrer la futilité de ces attaques ; mais pour satisfaire à un grand intérêt public, pour entrer même dans la pensée manifestée par la chambre sur l’urgence du règlement des affaires de l’Inde, il exprima le vœu qu’on l’autorisât d’abord à présenter et qu’on discutât un bill qu’il avait dressé sur cette matière ; ce bill prouverait, dit-il, que ce n’était pas par un pur caprice qu’il avait combattu celui de l’administration précédente. Un langage aussi modéré et aussi sensé ne produisit aucun effet. L’opposition, proclamant de nouveau l’extrême importance de la question de l’Inde, y trouva seulement un motif nouveau de déplorer le rejet de son plan favori et de s’indigner de l’intrigue sous laquelle il avait succombé. Elle prétendit, d’ailleurs, que la chambre n’aurait pas la liberté nécessaire pour entamer une délibération sérieuse tant que son existence serait à la merci d’un cabinet créé par cette intrigue, et placé nécessairement dans la plus servile dépendance de ceux qui l’avaient dirigée. Pitt insista : après avoir encore une fois justifié son hostilité au projet renversé avec le ministère de coalition, après avoir supplié la chambre d’entendre celui qu’il voulait y substituer, il opposa le démenti le plus absolu aux assertions malveillantes qui l’accusaient de s’être soumis à une influence occulte ; il affirma que jamais il ne subirait une telle influence, que si d’autres ministres avaient eu la bassesse d’agir d’après une volonté étrangère, ou l’hypocrisie de rejeter sur autrui la responsabilité de leurs propres mesures, il leur en laisserait le remords et la honte. C’était là une sanglante allusion au langage tenu, en certaines circonstances, par lord North. Quant à la garantie qu’on semblait exiger contre une dissolution, il rappela la réponse du roi à l’adresse de la chambre ; il ne lui appartenait pas, dit-il, de la commenter, il ne compromettrait pas la parole royale, il n’en ferait jamais un trafic ; ce qu’un de ses amis avait dit, en son absence, de ses intentions sur ce point délicat, était alors l’expression sincère de ses sentimens ; on n’obtiendrait pas de lui un mot de plus.

A défaut de bons argumens, ses adversaires avaient encore la majorité des suffrages ; 232 voix contre 193 accordèrent à Fox la priorité qu’il demandait, et la chambre, formée en comité général, vota ensuite la série de résolutions qu’il avait annoncées. On défendit à la trésorerie, sous peine d’encourir le crime de haute trahison, d’émettre, en cas de dissolution ou de prorogation du parlement, les fonds nécessaires aux divers services publics. On ajourna à six semaines la