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que tous les deux peut-être désavouassent les doctrines qu’ils avaient soutenues jusqu’à ce moment.

Les conditions de la paix déjà signée avec les États-Unis et avec la France, et dont les préliminaires venaient d’être réglés avec l’Espagne, furent le motif ou le prétexte de l’attaque qu’ils dirigèrent en commun contre le ministère de lord Shelburne et de Pitt. Ces conditions étaient pénibles sans doute. Le cabinet de Londres, en renonçant à la souveraineté de ses colonies d’Amérique, abandonnait à la justice ou à la vengeance du gouvernement fédéral ceux d’entre les colons qui lui étaient restés fidèles. Il rendait à la France le Sénégal, que lord Chatham lui avait enlevé, et renonçait à la clause du traité d’Utrecht, si chère à l’orgueil anglais, si soigneusement maintenue jusqu’alors, qui avait interdit le rétablissement du port de Dunkerque. Il rendait à l’Espagne la Floride, autre conquête de lord Chatham, et Minorque, que l’Angleterre possédait depuis près de cent ans. L’acquisition d’une place hollandaise dans les Indes Orientales compensait bien faiblement de telles cessions. C’était alors, c’est encore aujourd’hui le seul traité qui, depuis plusieurs siècles, ait restreint les limites de l’empire britannique. Un tel coup était sensible ; mais, si quelqu’un avait perdu le droit de s’en faire un grief contre les ministres condamnés à accepter des conditions semblables, c’était bien certainement le chef du cabinet qui, par ses combinaisons malheureuses, avait préparé les revers dont le traité si vivement attaqué était la triste conséquence ; c’était bien certainement aussi le chef de l’opposition qui, pour décrier ce cabinet en exagérant les désastres causés par ses erreurs, n’avait cessé de proclamer, au nom de l’Angleterre accablée, la nécessité de faire la paix à quelque prix que ce fût. Néanmoins, lorsque les délibérations du parlement furent appelées sur cette question délicate, lorsqu’on eut à voter une adresse au roi pour le remercier de la communication du projet de traité, Fox et ses amis s’unirent à lord North pour blâmer sévèrement des stipulations contraires, suivant eux, à l’honneur national. Pitt, en leur répondant, signala ce qu’avait d’étrange, de choquant, d’immoral, la coalition de deux hommes d’état séparés par des injures si mortelles et si récentes ; il rappela tout ce que Fox et ses amis avaient dit, en tant d’occasions, pour démontrer que le pays n’était pas en état de supporter la prolongation de la guerre ; il démontra combien un pareil langage avait dû ajouter de difficultés à la tâche des négociateurs.

Une épigramme hasardée assez mal à propos au milieu de cette argumentation triomphante lui attira une vive et piquante réplique,