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lui a fait, il n’y a pas un demi-siècle, engager avec toutes les nations de l’Europe cette grande croisade qui étonnera la postérité. Le peuple français a mis son nom dans les fastes de tous les peuples, son esprit dans tous les esprits, sa main dans la main de tous les habitans de la terre. A plusieurs reprises, notre pays a poussé ses flots pacifiques sur les contrées voisines ; la révocation de l’édit de Nantes, qui chassa quatre cent mille Français de leur patrie, mêla notre sang à celui de l’Allemagne. Les individualités puissantes sortent du croisement des races fortes : Humboldt, Gall, Schiller, Goethe, sont des Français germanisés. Aujourd’hui que les voies matérielles sont ouvertes, la puissance communicative de la France s’exercera avec encore plus d’énergie. Elle transformera ses rapports guerriers en des rapports industriels, commerciaux, scientifiques. Par les bateaux à vapeur, elle peut asseoir dans les mers du Nord son influence sur le Danemark et la Suède, dans l’Océan Atlantique sur l’Amérique du Sud ; par les chemins de fer, elle étend sa civilisation sur tous les états de notre continent. Il appartient à celle qui eut de si longs et de si étroits attachemens avec la gloire militaire de savoir s’en séparer quand l’intérêt du monde l’exige. Il s’agit maintenant pour notre nation de dominer par la paix comme elle l’a fait si long-temps par la guerre. Le développement de l’industrie et des arts utiles n’exclut d’ailleurs pas la dignité des rapports et au besoin l’intervention de la force. Les peuples n’ont pas oublié qu’à l’époque où les États-Unis d’Amérique voulurent se dégager du joug de notre continent, ils empruntèrent l’épée de la France. C’est à tort qu’on accuse notre nation de légèreté. « La race celtique, s’écrie M. Serres dans ses leçons, est à la tête de toutes les autres races humaines, la plus fixe, la plus tenace, la plus persévérante. Lorsque les Gaulois se trouvèrent en présence de César, ils voulaient la liberté pour eux et pour le reste du monde. Cette résolution les a suivis dans tout le cours de leur histoire ; c’est le même esprit qui se continue, on le voit reparaître dans les communes ; il se représente aux états-généraux, il amène l’explosion de 89 ; nos pères veulent alors ce qu’avaient voulu les Gaulois du temps de César : la liberté des peuples ! En 1830, nous nous retrouvons en face des mêmes idées ; la lutte décide encore une fois notre indépendance et celle des autres nations. Aujourd’hui la France rencontre un obstacle à son influence sur les destinées du monde ; cet obstacle est l’Angleterre. Notre race est plus forte que la race britannique Nos ancêtres ont ruiné la puissance des patriciens de Rome ; nous détruirons le monopole des patriciens de Londres. »