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regard sur les sociétés primitives de l’Asie, de l’Afrique et du Nouveau-Monde : nous les trouvons toutes enveloppées dans des formes civiles et religieuses auxquelles nos sociétés européennes ont tenu pendant quelques siècles, mais dont elles se sont détachées aujourd’hui par leurs développemens. La théocratie, la division par castes, l’usage des hiéroglyphes, qui forment autant de traits distinctifs des civilisations de l’Inde, de la Chine, de la vieille Égypte et du Mexique, se retrouvent chez nous dans la société du moyen-âge. Toute la différence entre le mouvement de ces races et le nôtre, c’est que les peuples jaunes ou noirs se sont fixés sur des institutions que nous avons temporairement subies et rejetées. Il ne faut pas comparer l’organisation sociale des peuples inférieurs avec celle des peuples supérieurs à leur état d’achèvement ; mais il faut rapprocher la maturité des uns de l’enfance des autres, et l’on voit naître alors de nombreux caractères qui se correspondent.

Nous ne devons, d’ailleurs, pas oublier que chaque groupe a une puissance de formation qui lui est propre. Dans la naissance des sociétés comme dans la création des animaux et des races, on remarque des intervalles de temps qui établissent la différence de l’une à l’autre. Les États-Unis, fondés les derniers dans ce mouvement de rotation que la civilisation décrit autour de la terre, présentent les caractères renforcés du type général de la race blanche et du rameau de cette race dont leurs populations se sont détachées. Un des caractères, par exemple, de la race blanche, c’est le sentiment de la liberté. À peine a-t-elle touché le sol de notre continent qu’elle y dépose le principe de l’élection. Ce principe, qui l’a suivie dans les diverses phases de son état social, a revêtu toutes ses institutions civiles et religieuses de ces formes extraordinaires que n’avaient jamais connues ni la race noire, rai la race jaune. Tandis que le Mongol languit sous la stabilité d’un état tyrannique et absolu, le Celte et le Teuton primitifs ont renouvelé plusieurs fois leurs chefs, leur monarchie, leurs lois. Le principe de l’élection, qui, en Europe, a créé les gouvernemens constitutionnels, se développe à mesure que la race blanche avance sa marche circulaire à la surface du globe : il donne alors naissance, sur la terre du Nouveau-Monde, à une démocratie qui n’est point représentée dans notre continent, du moins sous les mêmes formes.

Les rapports géographiques ne doivent pas non plus être négligés dans le tableau de la configuration des peuples : l’histoire de l’homme se lie partout à celle du globe qu’il habite. Le morcellement de l’Allemagne, par exemple, est une suite du mélange des Germains avec les