Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la Prusse, et, par cette dernière, de la Pologne et de la Russie, elle se place, sous le rapport intellectuel, stratégique et commercial, au premier rang de nos grandes voies de civilisation. — La ligne moyenne servira de trait d’union entre l’Océan et la mer Noire. Partie de Nantes, elle se dirige vers Tours, de Tours à Paris, de Paris à Strasbourg, de Strasbourg à Carlsruhe, de Carlsruhe à Ratisbonne (par Stuttgard), de Ratisbonne à Vienne, de Vienne à Presbourg, de Presbourg à Pesth, de Pesth à la mer Noire. Cette ligne imposante ne se compose encore que de segmens : on peut dire qu’elle existe de Tours à Paris (soixante lieues), de Strasbourg à Carlsruhe (dix-huit lieues), de Vienne à Presbourg (quinze lieues) ; le reste est à faire : il se fera. Nous sommes déjà en mesure d’indiquer la date de l’exécution. De Nantes à Tours, deux ans ; de Paris à Strasbourg, huit ; de Carlsruhe à Ratisbonne, huit ; de Ratisbonne à Vienne, quatre ; de Presbourg à Pesth, trois ; de Pesth à la mer Noire, dans un temps inconnu ; mais le service se fait déjà par le moyen des bateaux à vapeur. Enlaçant dans ses sinuosités les principales villes du centre de la France, du grand-duché de Bade, de la Bavière et de l’Autriche, ce chemin de fer servira de rendez-vous aux peuples de l’Occident quand le moment sera venu pour eux de remonter vers l’Orient. — La ligne inférieure a pour destination de marier l’Océan à la Méditerranée ; elle court de la Teste à Bordeaux, de Bordeaux à Cette, de Cette à Marseille (ici la terre manque : ne tenons pas compte de cette lacune de deux cents lieues de mer), de Marseille à Rome, de Rome à Naples. Cette grande ligne sera complète d’ici à cinq années, si des résistances morales ne viennent pas en interrompre l’exécution ; elle présente déjà une surface de deux cent soixante-treize lieues en activité. Il est vrai que nous comptons dans ce dernier chiffre la distance franchie par les bateaux à vapeur, dont le sillage continue sur mer le tracé du railway. Moyen d’action de la France sur l’Italie, cette ligne capitale servira peut-être, par la suite, à régénérer notre influence au-delà des Alpes.

Si nous réunissons ces cinq grandes lignes, notre réseau de fer international nous apparaîtra sous la forme d’un quadrilatère dans lequel se trouvera encadrée toute la civilisation moderne. Cette figure géométrique ne contient pas encore, il s’en faut de beaucoup, tous les travaux en voie d’exécution. Nous avons aussi négligé les embranchemens ; or, tout le monde sait que les chemins de fer sont doués d’une puissance en quelque sorte végétative ; leur accroissement est une nécessité de leur existence. Ces mille ramifications nous détourneraient des vues d’ensemble que nous avons voulu établir. Il nous importait