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politiques dans lesquelles l’ignorance s’efforçait de les parquer, ni les obstacles matériels, ne les divisent plus. Le genre humain est à cette heure comme un serpent qui cherche à réunir ses tronçons dispersés çà et là par les bouleversemens du globe et par les révolutions de l’histoire. Ce besoin d’universalité trouve dans l’invention de la vapeur un point d’appui merveilleux. Un ancien cherchait un levier pour remuer le monde ; ce levier puissant, un moderne l’a découvert, et il ne s’en doutait pas. Le nouveau moteur est un instrument de civilisation : appliqué aux rapports des races entre elles, il devient le symbole matériel de leur unité dans l’avenir. Un système de voies de communications se compose aujourd’hui de trois élémens : les chemins de fer, les canaux ou les fleuves, les grandes lignes de navigation maritime. Nous allons étudier, avant tout, l’influence que la vapeur exerce déjà sur ces trois organes du mouvement ; l’intensité de la cause nous fera mieux apprécier la nature des résultats.

L’état actuel des chemins de fer est à la veille de recevoir des développemens considérables. Voici à peine quinze années que les monarchies européennes s’occupent sérieusement d’employer les forces de la vapeur à la traction des voitures. Où en sont-elles de leurs travaux ? La plupart n’ont encore construit que des sections de lignes ; mais, en se réunissant, ces sections doivent constituer avant peu un véritable réseau de fer continental. La formation matérielle de ce réseau présente une analogie curieuse avec les développemens du système nerveux qui préside, chez l’homme et chez les autres êtres organisés, au mouvement. Si nous jetons un coup d’œil général à la surface de l’Europe, nous apercevons çà et là des commencemens de chemins destinés à s’étendre. Cette disposition fragmentaire s’efface de jour en jour sous le progrès des travaux. Nous voyons alors des faisceaux de rails, disséminés par petits plexus isolés, s’ajouter les uns aux autres pour donner naissance à des rameaux qui vont se réunir à un tronc. Il est déjà possible de saisir un lien entre les chemins de fer qui existent en construction chez les différens peuples. Si l’on rattache par la pensée toutes les sections de lignes éparses sur le territoire de l’Angleterre, de la France, de la Belgique, de l’Allemagne et du royaume lombard-vénitien, on voit en quelque sorte apparaître l’unité de notre système de relations internationales. Nous allons essayer d’en figurer le dessin sur la carte géographique.

Que l’esprit trace d’abord une première ligne verticale dont le trajet joigne la mer du Nord à la Méditerranée. Cette grande ligne de fer commence à Édimbourg ; elle rencontre sur son chemin Newcastle,