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en 5 pour 100, comme si on avait effectivement emprunté à ce dernier taux. Changeait-on par là les conditions actuelles du marché ? Non. La seule conséquence de ce choix, c’est que l’état s’obligeait, quelle que fût la somme qu’il eût effectivement reçue, à restituer, en cas de remboursement, 100 francs de capital pour 5 francs de rentes.

D’où a pu venir l’idée d’adopter un système aussi étrange et aussi faux ? La seule explication plausible que l’on puisse en donner, c’est que le gouvernement ayant interdit aux particuliers, par une politique que nous ne voulons pas juger ici, la faculté d’emprunter au-dessus de ce qu’on appelle le taux légal, c’est-à-dire 5 ou 6 pour 100, selon la nature des affaires, il n’a pas voulu violer pour son compte, ostensiblement et d’une manière flagrante, les règles qu’il avait lui-même posées. Obligé pourtant d’emprunter, et ne trouvant pas à le faire au taux légal, il a bien dû se résoudre à cette violation du principe. Mais s’il n’a pu sauver le fond, il a du moins voulu sauver les apparences ; s’il n’a pu maintenir le taux légal dans la réalité et dans les choses, il a voulu du moins le conserver dans la forme et dans les mots. De là cette création de rentes dénommées 5 pour 100, alors même qu’on empruntait effectivement à 10. C’était une fiction, un mensonge, destiné seulement à couvrir une inconséquence de la loi ; mensonge fort innocent, en ce sens que personne n’en était dupe. Néanmoins, comme il imposait à l’état l’obligation d’opérer plus tard le remboursement du capital dans la proportion indiquée par le titre de la rente, la fiction est devenue ensuite pour l’état une rude et désastreuse réalité. Il y a eu, nous ne craignons pas de le dire, dans cette espèce de jeux de mots, dans cette feinte puérile, une erreur financière du premier ordre.

Nous savons que cette pratique absurde a trouvé, comme tant d’autres, ses partisans. Après l’avoir imaginée dans l’unique but de tromper les yeux, on a voulu plus tard l’ériger en système, et on a vanté les prétendus avantages qui en découlent. On a dit que si, en offrant des rentes 5 pour 100 alors que l’intérêt est à 10, l’état s’impose des sacrifices dans l’avenir, il obtient aussi dans le présent des conditions meilleures, parce que l’accroissement futur du capital est pour les prêteurs un encouragement et une amorce. Il y a quelque chose de vrai dans cette assertion, nous ne le nions pas ; mais, si l’on a bien suivi ce qui précède, on a dû comprendre que cet avantage n’est jamais aussi grand qu’on l’imagine. Or, ce bénéfice actuel, toujours bien médiocre, on le paie dans la suite fort chèrement. Comparons selon cette donnée les deux systèmes, en adoptant quelques chiffres pour exemples, et mettons en balance leurs résultats.