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contre, ce serait faire dire à la loi, qui est présumée l’expression de la sagesse d’un pays, un non-sens et une absurdité.

Cette observation si simple devrait suffire pour faire reconnaître aux adversaires absolus de la conversion l’erreur de leur doctrine, s’il n’y avait malheureusement des erreurs obstinées qui résistent même à l’évidence. Vous niez la faculté du remboursement ; niez donc aussi l’existence de la formule qui porte cette faculté écrite et qui la rappelle sans cesse, formule créée avec le fonds même et transmise de bouche en bouche, de bulletin en bulletin, depuis les fondateurs de la rente jusqu’à nous. Nous n’insisterons pas davantage sur ce sujet, bien convaincus que les chambres, prenant à cœur le bien de nos finances, ne tiendront aucun compte de ces résistances aveugles.

Il faut donc partir de ce principe incontestable, que l’état a le droit de rembourser les rentiers quand il trouve son avantage à le faire, et cet avantage est évident du jour où il peut emprunter à de meilleures conditions. Lorsque notre crédit était bas et qu’il nous était impossible d’obtenir des clauses plus favorables, nous avons emprunté à 5 pour 100, et même à un taux fort supérieur, car il s’en faut bien que l’état ait toujours reçu 100 francs de capital pour 5 francs de rentes. Aujourd’hui que notre crédit s’est élevé, aujourd’hui que nous pouvons emprunter, non pas seulement à 4 et demi, mais au-dessous même de 4, nous voulons, ou éteindre nos anciennes obligations, ou les renouveler avec vous sous d’autres conditions. C’est pourquoi, ou nous vous rembourserons au pair, c’est-à-dire au taux prévu et fixé par nos conventions, ou vous accepterez, en échange de vos anciens titres, des titres nouveaux, qui se rapportent mieux à l’état actuel du crédit.

Rien de plus simple que cet arrangement. Le droit de l’état est évident, puisqu’il résulte de la convention même ; de plus, l’exercice de ce droit est pour le gouvernement un devoir, car il agit pour le compte des contribuables, et y renoncer, ce serait commettre un gaspillage odieux de la fortune publique.

Dira-t-on qu’il en résulte une lésion pour les rentiers ? Mais, au moyen du remboursement au pair, la plupart des rentiers reçoivent plus qu’ils n’ont donné, et, dans tous les cas, tout ce qu’on leur avait promis, tout ce qu’ils avaient le droit d’espérer dans les éventualités les plus favorables. De quoi donc peuvent-ils se plaindre ? La diminution de leur revenu, résultat nécessaire de la conversion, est peut-être, à leur égard, une chose fâcheuse ; mais cet inconvénient leur est commun avec tous les capitalistes. Quiconque fait valoir une somme, soit sur les fonds publics, soit en placemens dans le commerce, voit