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de bambous, de 65 à 70 mètres de long, sur 25 de large, et qui forme le dortoir des esclaves ; ce dortoir contient trois plates-formes qui s’étendent parallèlement dans toute sa longueur, chacune de 6 pieds de large, et élevée d’un pied au-dessus de terre : on les recouvre de nattes de bambous, sur lesquelles les esclaves se couchent. Ils dont point de couverture pour se garantir du froid ou des maringouins, qui les font souffrir cruellement. A côté du dortoir, un hangar de la même dimension, ouvert aux deux extrémités et au milieu, sert de lieu de réunion aux esclaves dans le jour. Des arbres abattus, placés à 3 pieds l’un de l’autre, leur servent pour s’asseoir. Les esclaves sont obligés de rester presque toujours assis, parce qu’ils sont attachés deux à deux par la cheville du pied, et qu’ils ne peuvent se mouvoir que difficilement et en s’appuyant chacun sur l’épaule de son compagnon. Les femmes, les filles et les adolescens ont au cou un collier rivé, dans lequel passe une chaîne qui les réunit au nombre de 30 à 40. Les enfans au-dessous de dix ans sont les seuls auxquels on ne donne pas d’entraves. On ne trouve point du reste d’enfans au-dessous de cinq ans, ni d’esclaves au-dessus de quarante, parce que les négriers ne les achèteraient pas. Quand une femme accouche dans le barracon, l’enfant est impitoyablement mis à mort. Lorsque des tentatives d’évasion ont lieu, et elles sont assez fréquentes, les chefs du complot sont attachés à un pilier, torturés et fusillés en présence de tous les autres. Dans les factoreries appartenant à des chefs indigènes, on leur écrase la tête entre deux planches. On fait sortir les esclaves avec leurs chaînes soir et matin, pour les obliger à prendre de l’exercice. Comme leur entretien est une lourde dépense, on ne leur donne que la nourriture la plus grossière, et en quantité à peine suffisante. Si le négrier se fait attendre long-temps, pour diminuer la dépense, on fait un choix parmi les esclaves, et tous ceux qui sont malades, ou trop faibles, ou bien qui ne promettent pas un débit avantageux, sont mis à mort. Souvent 15 à 1,600 esclaves sont entassés dans un barracon, et les souffrances de la marche, la mauvaise nourriture, le mauvais air, y développent et y propagent des maladies contagieuses qui les déciment rapidement ; souvent aussi la petite vérole vient enlever le tiers ou la moitié des esclaves. Quand les négriers ont fait leur choix, tous les esclaves qu’ils ont rebutés pour une cause quelconque sont immédiatement fusillés ou noyés ; tous ceux qui restent, après qu’on a complété les chargemens, subissent le même sort, si aucun acheteur ne se présente. Le chef de Loango avoua, en 1830, aux officiers d’un croiseur anglais que, quelque temps avant leur arrivée, il possédait un