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tude qu’il vient de prendre avancera les choses à Rome beaucoup plus que ne l’a pu faire jusqu’ici ce système de concessions qu’on avait d’abord adopté vis-à-vis de la cour apostolique.

Nos prévisions au sujet de l’impression que devaient produire à Madrid l’abdication de don Carlos et le manifeste de son fils se sont de tout point confirmées. Non, les modérés ne pouvaient pas vouloir, et en effet ils ne veulent pas de transaction avec les carlistes. Nous ne reviendrons point sur les raisons qui, en tout état de cause, doivent prévenir jusqu’à la pensée de ce rapprochement. Qu’il nous suffise aujourd’hui de constater les dispositions bien arrêtées où se trouvent à l’égard du fils de don Carlos tous les hommes considérables du parti dominant. Ce parti se divise en trois catégories bien distinctes, qui, au fond, ne diffèrent point d’avis, nous le croyons, sur les périls auxquels le mariage de la reine avec le prince Charles-Louis exposerait immédiatement la monarchie constitutionnelle. La première de ces catégories, dont l’appui est la principale force du cabinet Narvaez, la seconde qui fait à ce cabinet une opposition à peu près systématique, se sont déjà hautement et nettement prononcées. L’une et l’autre ont déclaré qu’un tel acte entraînerait inévitablement la ruine de toutes les institutions libérales. L’une et l’autre ont pour représentans dans la presse l’Heraldo et le Tiempo, c’est-à-dire les plus actifs, les plus influens orateurs du congrès, d’un côté MM. Olivan, Castro y Orozco, Sartorius, Egaña et tous leurs amis ; de l’autre, MM. Isturiz, Pacheco et la fraction peu nombreuse à la vérité, mais réellement puissante par le talent et la valeur personnelle de chacun de ses membres, qui depuis un an bientôt combat la politique du cabinet Narvaez. Au reste, ce ne sont pas les divisions du parti modéré qui doivent en ce moment nous occuper. Ce qui importe, c’est que ce parti tout entier soit uni contre les carlistes, contre des adversaires irréconciliables, avec qui on ne peut traiter sans se diminuer, sans se perdre. Or, il est impossible que, sur ce point, le moindre doute puisse encore subsister.

Nous ne parlons pas de la fraction absolutiste qu’à notre avis on suppose un peu trop gratuitement favorable à la restauration déguisée des choses et des hommes vaincus sur tant de champs de bataille. En réalité, si MM. de Meer et de Viluma se prononçaient en faveur du nouveau prétendant, nous ne pensons pas qu’on en dût concevoir de très vives inquiétudes. MM. de Meer et de Viluma, dont on s’exagère d’ailleurs l’importance, n’ont de force que par le parti modéré, auquel les lient en définitive dix ans de luttes et de sacrifices. Tant qu’il demeurera dans ce parti, M. le baron de Meer sera cet intrépide et brillant champion de la reine constitutionnelle qui a terrassé la faction carliste en Catalogne. Qu’il passe lui-même à cette faction, et c’en est fait de ce passé glorieux : M. le baron de Meer ne sera plus qu’un transfuge ; autant aurait valu pour lui qu’une telle désertion s’accomplît à l’époque où ses bataillons poursuivaient dans les montagnes les bandes des Segarra ou des Urbistondo. En résumé, c’est un heureux évènement pour les modérés