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erreur dans l’exercice du droit, pourvu toutefois que cette erreur soit excusable. Cela résulte des instructions.

On a dit, et c’est le Moniteur lui-même, que le droit de vérification n’était pas un droit nouveau, qu’il était conforme au droit des gens, aux précédens de notre législation, aux documens officiels du gouvernement des États-Unis. Sans doute ces assertions seront prouvées à la tribune ; quant à présent, on n’en a pas complètement démontré l’exactitude. Ainsi, la dérogation à la loi de 1825 n’est-elle pas un fait nouveau dans notre législation maritime ? Si le droit de vérification est conforme au droit des gens, n’est-ce pas seulement en ce qui touche le soupçon de piraterie ? En assimilant la traite à la piraterie pour la soumettre aux mêmes mesures de surveillance, n’a-t-on pas établi un droit nouveau ? dira-t-on qu’on a suivi l’exemple des États-Unis ? Voyez le traité de 1842. Les États-Unis, il est vrai, ne réclament pas l’immunité absolue de leur pavillon. Ils ne veulent pas que ce pavillon soit livré à l’infamie et au déshonneur en couvrant des opérations criminelles ; mais, dans les instructions qui ont suivi le traité du 9 août 1842, ils ont établi à cet égard des règles différentes des nôtres. S’ils admettent que la nationalité d’un navire américain puisse être vérifiée par un navire étranger, c’est seulement en cas de soupçon de piraterie ; le cas de traite est formellement exclu. Bien plus, tout en reconnaissant que les croiseurs des autres nations peuvent, dans certains cas, vérifier la nationalité du pavillon américain, les États-Unis déclarent que ce privilège ne saurait être considéré comme un droit. Celui, disent-ils, qui abordera un vaisseau couvert par le pavillon américain encourra toute la responsabilité de cet acte ; si le navire abordé est réellement américain, la partie lésée demandera réparation. Ainsi, pour les États-Unis, la visite seule peut constituer le dommage. Nous, au contraire, dans les instructions du traité du 29 mai, on nous fait dire : Vous pouvez vérifier l’authenticité du pavillon, vous en avez le droit ; cependant, usez de ce droit avec discrétion, car vous seriez responsable de l’abus. N’y a-t-il pas ici, entre le traité américain et le nôtre, des différences que la note du Moniteur n’a pas encore expliquées ? Nous exprimons nos doutes, et nous espérons que la tribune les éclaircira.

Une chose toutefois nous paraît résulter dès à présent de la convention du 29 mai et des commentaires qui l’ont suivie : c’est que l’exécution des règles qu’elle prescrit ne sera pas facile. On peut voir dans la rédaction compliquée des documens officiels combien les difficultés pratiques ont préoccupé l’esprit des négociateurs. L’exécution sincère et efficace de la convention du 29 mai suppose une amitié étroite entre les deux pays, dont les forces navales vont se trouver ainsi associées, confondues dans une entreprise commune. Puisse ce contact resserrer les deux peuples, et ne jamais être la cause de collisions nouvelles !

Nous ne savons si le traité du 29 mai et les crédits demandés par M. le ministre de la marine pour la formation de l’escadre amèneront un long débat devant la chambre des députés. Si nous en jugeons par ce qui se