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Melville leur ayant procuré une sorte de satisfaction, ils consentirent assez facilement à revenir sur cette démarche précipitée ; mais un tel raccommodement ne pouvait avoir une bien longue durée. Quelques semaines s’étaient à peine écoulées que lord Sidmouth et lord Buckingham exprimèrent de nouveau la volonté de se retirer, parce que Pitt, tout en promettant un emploi à un de leurs adhérens qui avait joué un rôle actif dans les poursuites dirigées contre lord Melville, refusait de le lui conférer immédiatement. Pitt, cette fois, n’essaya pas de les retenir. Le 5 juillet, deux jours avant la clôture de la session, lord Camden, secrétaire d’état des colonies, fut nommé président du conseil, lord Harrowby devint chancelier du duché de Lancastre, et lord Castlereagh secrétaire d’état des affaires étrangères.

Le ministère, perdant presque en même temps l’appui de l’habileté de lord Melville et du crédit de lord Sidmouth, se trouva réduit à un état de faiblesse auquel le génie même de son chef ne pouvait remédier complètement. Pitt ne voyait plus à ses côtés aucun homme doué de talens vraiment supérieurs. Une tentative qu’il fit pour se réconcilier avec lord Grenville n’eut pas de succès. Jamais, cependant, des auxiliaires capables de le comprendre, de le seconder, de le suppléer jusqu’à un certain point, ne lui avaient été plus indispensables. Sa santé, depuis quatre ans, s’était beaucoup affaiblie sous le poids des fatigues et des chagrins. En proie à des souffrances d’estomac presque continuelles et qui le privaient de tout appétit, il s’était habitué à chercher dans l’usage immodéré du vin le rétablissement de ses forces physiques, peut-être l’oubli momentané de ses peines morales. Cet entraînement déplorable avait fini par prendre le caractère d’un besoin impérieux, et en s’y livrant de plus en plus, Pitt achevait de ruiner sa constitution, déjà si débile. Son teint enflammé, la profonde altération de ses traits, jadis nobles et calmes, révélaient malheureusement à tous les yeux le triste changement de ses habitudes. Ses puissantes facultés intellectuelles luttaient pourtant avec énergie contre ce dépérissement. Au milieu des laborieuses complications de la session qui venait de se terminer, il n’avait cessé de travailler à organiser contre la France la coalition dont il avait posé les bases dès la fin de l’année précédente. Napoléon semblait se complaire à lui en faciliter les moyens en jetant chaque jour quelque nouveau défi aux puissances continentales. Il venait de se faire proclamer roi d’Italie et de réunir Gênes à son empire. C’est ainsi qu’il répondait aux réclamations du gouvernement russe et aux justes inquiétudes du cabinet de Vienne.

Le gouvernement britannique, d’accord depuis long-temps avec la