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Cette majorité se retrouva pour repousser les attaques dirigées, à plusieurs reprises, contre le système adopté à l’effet d’assurer la défense du pays en augmentant l’armée de réserve et en facilitant le recrutement de l’armée de ligne. Les mesures prises dans ce but n’avaient eu qu’un médiocre succès, et le principal argument qu’on fit valoir pour s’abstenir de les modifier, c’est que le peu de temps écoulé depuis qu’on les mettait en pratique ne permettait pas encore d’en apprécier complètement l’efficacité. Dans le cours des débats qui eurent lieu à ce sujet, Sheridan, rappelant d’une manière piquante la sévérité dédaigneuse avec laquelle Pitt appréciait naguère les préparatifs de défense du précédent cabinet, tourna en ridicule les espérances, si incomplètement justifiées, qu’on avait fondées sur son retour au pouvoir, et se livra contre lui à des sarcasmes si mordans, que Pitt, exaspéré, fut sur le point de l’appeler en duel.

Le gouvernement obtint, malgré une assez vive résistance, le renouvellement du bill voté sous la précédente administration pour suspendre les garanties de la liberté individuelle en Irlande, où de graves désordres avaient éclaté. Les subsides en hommes et en argent furent accordés sans difficulté. On vota cent vingt mille hommes pour l’armée de mer, et trois cent douze mille hommes pour l’armée de terre. Le budget, le dernier que Pitt ait présenté, dépassait la somme de 44 millions sterling, y compris la part afférente à l’Irlande. Sur cette énorme somme, la moitié fut demandée à l’emprunt ; de nouvelles taxes furent établies, celle du sel fut doublée, et l’impôt du revenu augmenté du quart, ce qui l’éleva au-dessus du taux de 6 pour 100. Quelques mois après, lorsque les négociations entamées pour former une coalition contre la France eurent amené ce grand résultat, un crédit de 3 millions et demi fut ouvert au gouvernement pour le mettre en état de satisfaire aux engagemens encore secrets dans lesquels il était entré avec quelques puissances. Fox, toujours ami de la paix, opposa à l’allocation de ce crédit des objections qui trouvèrent peu d’appui. Sous le poids de ces charges prodigieuses, hors de proportion avec tout ce qu’on avait vu, avec tout ce qu’on avait imaginé jusqu’alors, la richesse du pays, loin de s’épuiser, s’accroissait sans cesse par les progrès du commerce ; le produit de la plupart des impôts s’élevait, et Pitt, dont la sagacité avait su deviner les puissantes ressources de l’Angleterre, pouvait féliciter le parlement de l’état prospère des finances.

Entre le ministère et la nombreuse opposition qui le combattait, les