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ouverte avec la France et pour concerter avec lui le plan d’une confédération dans laquelle on entrevoyait dès-lors la possibilité de faire entrer plusieurs autres états. Le jeune roi de Suède, animé d’une haine particulière contre le gouvernement français, avait déjà rompu violemment les relations qui s’étaient établies entre les deux pays pendant sa minorité et allait au-devant des offres du cabinet de Londres. L’Autriche, plus lente, plus circonspecte, plus difficile à remuer, ne pouvait cependant assister avec indifférence aux progrès de l’influence française en Italie et en Allemagne ; et elle laissait apercevoir une disposition non équivoque à se joindre, dès qu’elle pourrait le faire avec quelque apparence de succès, aux efforts tentés pour arrêter les prodigieux développemens d’une puissance déjà gigantesque. La Prusse elle-même, trop peu ménagée par Napoléon, manifestait de temps en temps un mécontentement et une inquiétude dont on espérait tirer parti pour l’entraîner aussi à la guerre.

Des négociations couvertes d’un profond mystère se suivaient entre les divers états qui préparaient une nouvelle coalition contre la France. Pitt, déjà certain d’avoir bientôt des auxiliaires, se livrait à de vastes espérances et formait les projets les plus hardis. Il semblait, lorsqu’il en parlait à ses confidens intimes, avoir retrouvé la confiance et la vigueur de la jeunesse. Sur ces entrefaites, Napoléon, soit qu’il voulût faire parade, comme en d’autres circonstances, de sentimens pacifiques qui semblaient incompatibles avec les exigences de son ambition, soit par un empressement quelque peu puéril à traiter d’égal à égal, en vertu de son nouveau titre, avec une des premières têtes couronnées de l’Europe, écrivit directement à George III pour lui proposer la paix. La lettre était rédigée en termes très vagues. Aucune condition n’y était spécifiée ni même indiquée ; ce n’était qu’une banale déclamation sur les devoirs des souverains et les horreurs de la guerre. Le secrétaire d’état des affaires étrangères se borna à répondre à M. de Talleyrand que le gouvernement britannique ne pouvait prendre aucune détermination avant de s’être concerté avec celles des puissances continentales auxquelles il était lié par des rapports confidentiels, particulièrement avec la Russie. Une telle réponse n’était pas seulement un refus, c’était l’annonce de la coalition qui se préparait.

En même temps que Pitt se disposait à lutter vigoureusement contre les ennemis du dehors, il travaillait à fortifier son ministère et à lui donner dans le parlement une position plus assurée que celle qu’il avait eue pendant la précédente session. C’étaient moins des différences