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L’ancienne opposition, celle de Fox, et la nouvelle opposition, celle qu’on appelait le parti Grenville, parce que lord Grenville et son frère Thomas Grenville en étaient les chefs, s’étaient déjà mises d’accord pour renverser le cabinet. Parties de points bien différens et malgré des antécédens absolument contraires, ces deux oppositions n’étaient plus séparées que par des nuances qui tendaient à s’effacer. Pour compléter cette coalition et la rendre irrésistible, il ne manquait que l’adhésion de Pitt ; mais malgré de vives instances, dont Canning était l’organe le plus actif, Pitt hésitait à faire un pas qui, en lui donnant pour alliés ses adversaires de vingt années, pouvait compliquer et embarrasser son avenir. Vainement on lui disait que Fox et lord Grenville, unis pour combattre Addington, ne s’étaient pas engagés à confondre définitivement leur existence politique et à entrer ensemble au ministère : de telles réserves lui paraissaient illusoires. Cependant, il était dès lors bien décidé à ne plus soutenir Addington. Des pamphlets publiés de part et d’autre par des amis imprudens pour expliquer les négociations qui avaient eu lieu, quelques mois auparavant, entre les deux hommes d’état, avaient achevé de les exaspérer l’un contre l’autre, et une réconciliation paraissait tout-à-fait impossible.

A l’ouverture de la session suivante, Pitt se maintint encore quelque temps dans cette position incertaine. Il s’abstint de prendre part, à plusieurs débats dans lesquels la politique générale de l’administration fut violemment combattue. Des mesures ayant été proposées pour compléter l’organisation des corps de volontaires, il se plaignit de ce qu’on ne donnait pas assez de soins à l’instruction militaire et à la discipline de ces corps, mais il défendit l’institution même contre les attaques de Windham ; il soutint qu’en la perfectionnant on pouvait en tirer un grand parti, et il indiqua les moyens de l’améliorer. Il dénonça aussi la mollesse avec laquelle on procédait aux armemens maritimes, protestant d’ailleurs contre la supposition que ces observations critiques pussent lui être inspirées par des préventions personnelles, par des calculs de parti auxquels il se serait reproché de se laisser entraîner dans un moment où toute autre pensée devait s’absorber dans celle de la défense commune.

La modération même avec laquelle Pitt signalait les fautes du cabinet était faite pour donner plus de force à ses agressions ; mais le moment était arrivé où ces manifestations devaient prendre un caractère plus décidé et plus hostile. Après avoir long-temps résisté à la plupart de ses amis qui le poussaient à s’unir à l’opposition et dont les excitations passionnées n’étaient combattues auprès de lui que par