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VOYAGE ARCHÉOLOGIQUE À NINIVE.

n’avait pu constater le caractère de l’art assyrien, ni l’étendue de Ninive, et tout espoir semblait être perdu, quand le gouvernement français eut la pensée d’envoyer à Mossoul un consul, M. Botta. C’est à lui que le sort avait réservé l’honneur d’une découverte que l’insuccès de ses devanciers ne pouvait faire espérer. Comme ceux-ci, il dirigea tout d’abord ses recherches sur le grand monticule de Neïnivèh. Il n’y trouva, avec beaucoup de peine, qu’un entassement de briques enduites de bitume, et quelques fragmens d’une pierre grise, gypseuse, et portant des traces de sculptures presque effacées, mais qui trahissaient un ciseau habile et un caractère antique original. Rien malheureusement n’était complet, et il était impossible de reconnaître un plan ou une construction quelconque dans le chaos résultant du bouleversement des édifices qui jadis avaient couronné cette éminence. Là, comme en beaucoup d’endroits, il semblait que l’on eût, après coup, enlevé les pierres, arraché les briques, très probablement pour faire servir les unes et les autres à la construction d’une ville ou de maisons modernes. Tous les voyageurs qui ont exploré le territoire de Babylone (et j’ai pu moi-même constater le fait) ont indiqué la petite ville arabe de Hellah, bâtie sur l’Euphrate, au centre des immenses ruines de la ville de Bélus, comme ayant été entièrement élevée au moyen de matériaux provenant des édifices antiques. Ainsi, les murs ou le pavé des cours dans les maisons d’Hellah laissent voir à leur surface nombre d’inscriptions cunéiformes qui font reconnaître des briques arrachées aux ruines de Babylone. De même, en remarquant que toutes les maisons de Mossoul sont construites en briques revêtues de plaques d’une pierre gypseuse exactement semblable à celle qui se retrouve dans les profondeurs des fouilles faites à Neïnivèh, on s’explique la disparition des blocs de pierre dont M. Botta n’a retrouvé que de minces débris, et on demeure convaincu que les somptueux palais de Sardanapale ou de Sennachérib ont fourni des matériaux aux constructions arabes de Mossoul et des villages environnans. Il était naturel que ces populations profitassent de la proximité des grandes carrières factices que recélaient les monticules de la plaine en face de Mossoul et les immenses murailles qui bordent le Tigre. C’est pour les habitans aujourd’hui une mine inépuisable, et l’on y voit journellement des ouvriers occupés à en extraire avec précaution de grandes briques très bien faites et parfaitement conservées, qui leur évitent la peine d’en fabriquer de nouvelles. Ils pensent d’ailleurs que celles qu’ils trouvent ; toutes faites, éprouvées par tant de siècles, leur présentent des garanties certaines de solidité. C’est à