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débats. La seule chose qu’il y ait à faire pour le moment, c’est enfin de garder précieusement sa liberté, tout en évitant autant que possible les difficultés secondaires et les querelles sans gravité, tout en maintenant par conséquent ce que M. Guizot appelait il y a deux ans « la bonne intelligence sans intimité. » Mais que personne ne l’oublie, pour que cette bonne intelligence existe, il est indispensable qu’il y ait dans les relations des deux peuples la réciprocité la plus parfaite, l’égalité la plus rigoureuse. Il est indispensable qu’on perde, à Londres comme à Paris, l’habitude de croire que la France seule a besoin de la paix, et qu’elle est prête à faire à ce besoin toute espèce de sacrifices. Il est indispensable surtout qu’on n’essaie pas sans cesse de relever l’inanité des faits par la pompe des mots, et de célébrer comme d’éclatans triomphes les plus tristes échecs. Dans cette contradiction perpétuelle des actes et des paroles, il y a quelque chose qui froisse, qui blesse, qui irrite tous les sentimens nationaux. On peut quelquefois tolérer, excuser une faiblesse qui s’avoue et ; se produit avec modestie. On est à juste titre sévère, impitoyable pour une faiblesse qui s’exalte elle-même et qui se vante. Je sais de bons esprits et de nobles cœurs qui pour quelques années croient la France condamnée à l’impuissance et à l’immobilité. J’espère qu’ils se trompent ; mais quand par malheur ils diraient vrai, encore ne faudrait-il pas qu’on voulût tromper la France sur sa situation et lui donner une époque d’abaissement pour une époque glorieuse. Quand on lit l’histoire d’Angleterre depuis cent cinquante ans, on voit que pour elle aussi il a existé de telles époques. Elle s’en est relevée parce que toujours quelques ames généreuses ont refusé d’en accepter les misères, d’en partager les découragemens.


P. DUVERGIER DE HAURANNE,

Député.