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et le trouble. Un ancien ministre des affaires étrangères désirer le succès d’un mouvement insurrectionnel, quel désordre ! quel scandale ! Je ne demanderai pas à ces amans passionnés du statu quo et de la légalité pour qui étaient leurs sympathies en 1843, quand Prim souleva la Catalogne contre Espartero. Ma réponse sera plus décisive. Il y a peu d’années, le gouvernement de Lucerne appartenait légalement aux libéraux, et c’est par l’insurrection que le parti ultramontain l’a renversé. Pense-t-on qu’alors l’Autriche fît des vœux pour les libéraux contre le parti ultramontain ? Pense-t-on même qu’elle se bornât à des vœux, et que des encouragemens très positifs, très efficaces, ne fussent pas donnés par elle à ce parti ? L’Autriche consultait en cela ses intérêts aussi bien que ses principes. Pourquoi, dans une situation analogue, la France ne consulterait-elle pas les siens ?

Il ne faut pas s’y tromper ; des deux opinions qui se disputent l’empire du monde, l’une a les yeux tournés vers l’Autriche et vers la Russie, l’autre vers la France. Faut-il que la France renonce à cette force comme à toutes les autres, et que ce dernier reste de puissance lui soit encore enlevé ?

On essaiera sans doute d’en venir là, mais on n’y réussira pas. La France, qui n’entend pas qu’on se mêle de ses affaires intérieures, ne veut pas non plus, sans provocation et sans nécessité, se mêler de celles des autres. On ne la trouvera donc jamais conspirant, intriguant au dehors contre les gouvernemens établis, contre ceux surtout avec lesquels elle entretient des relations pacifiques ; mais le jour où l’Italie ferait un effort sérieux pour recouvrer son indépendance, ou l’Allemagne pour reprendre sa liberté, le jour où la question se poserait nettement, énergiquement, entre le principe absolutiste et le principe libéral, la France n’aurait pas la bassesse de se renier elle-même et d’abjurer sa foi politique. On peut, pour gagner le bon vouloir des cours étrangères, penser ou dire le contraire ; c’est de l’aveuglement ou de l’hypocrisie. Encore une fois, la France sait que les révolutions font payer cher le bien qu’elles apportent, et nulle part elle ne voudrait provoquer une lutte sanglante et incertaine. Une fois la lutte entamée, son choix est fait d’avance, et ses préférences sont acquises.

Voilà pour la France. La situation de l’Angleterre, il faut le reconnaître, est plus complexe, et son rôle moins bien tracé. L’Angleterre, depuis cinquante ans, selon les craintes qu’elle pouvait éprouver, selon les intérêts qui lui paraissaient compromis, selon les hommes qui la gouvernaient, a incliné d’un côté ou de l’autre, a pris parti pour le principe absolutiste ou pour le principe libéral, et moins que