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servi : celui d’une guerre probable et prochaine. De ces questions, neuf ont été résolues selon le cœur du ministère, une seulement selon le cœur de l’opposition. Les premières ont abouti à des faiblesses tout en rendant la paix précaire et difficile. La dernière s’est terminée par une transaction honorable sans que la paix fût un instant menacée. Aujourd’hui la chambre et le pays sont avertis et doivent comprendre de quel côté se trouvent la saine politique et les justes prévisions.

Mais si l’entente, au lieu de se fortifier depuis un an, s’est affaiblie partout où elle a été mise à l’épreuve, à Athènes, à Constantinople, à Madrid, au Maroc, à Taïti, au moins, dit-on, l’a-t-on vue pleine de vie et de grandeur l’an dernier à Eu, quand la reine de la Grande-Bretagne a visité le roi des Français, cette année à Windsor, quand le roi des Français lui a rendu sa visite. À Dieu ne plaise que je veuille diminuer le mérite et la valeur de ces manifestations amicales ! Elles ont, je le sais, un prix particulier pour certaines personnes, pour celles qui croient que la révolution de 1830 a besoin de se faire amnistier en Europe. Sans éprouver ces joies de parvenu, j’aime à voir les deux grandes royautés constitutionnelles se rencontrer pacifiquement et se donner des témoignages d’un bon vouloir réciproque. Mais au mois de janvier dernier on prétendait découvrir dans le voyage de Windsor quelque chose de bien plus significatif encore. Deux puissans monarques, disait-on, ont visité cette année la reine de la Grande-Bretagne, l’empereur de Russie et le roi des Français. Il est impossible, en comparant les deux réceptions, de ne pas remarquer combien l’une a été froide et combien l’autre cordiale. Il est impossible de ne pas être frappé aussi du soin qu’on a pris de donner à la première le caractère d’une simple visite de politesse, à la seconde celui d’une grande manifestation politique. Là, un hôte illustre qu’on accueillait avec les égards dus à son rang ; ici, un allié cher et fidèle que l’on fêtait avec bonheur. Et l’on en concluait que l’Angleterre avait définitivement renoncé à l’alliance de la Russie pour celle de la France. On en concluait que, pour prix des sacrifices accomplis depuis quatre ans, nous avions au moins conquis la certitude que les évènemens de 1840 ne se renouvelleraient plus.

Ici encore, il faut bien opposer les faits aux paroles. Or, qu’on lise avec quelque soin le discours de la reine d’Angleterre à l’ouverture de la dernière session. Les deux voyages y sont mentionnés et tenus en équilibre parfait. Peut-être y a-t-il dans ce qui touche au roi des