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remarque bien, pas une voix, dans l’une ou l’autre des deux chambres, qui vienne troubler ce concert d’éloges. Tories modérés et ultra-tories, whigs et radicaux, parti de la haute ou de la basse église, anglicans, méthodistes et catholiques, tous sont également satisfaits ; un jour seulement, un membre de la dernière administration whig, sir Charles Grey, demande, dans l’intérêt de M. Pritchard, la production de certains papiers. Sir Robert Peel s’y refuse, pour ne pas ranimer un feu éteint. « Cela, dit-il, n’est pas nécessaire pour la justification de M. Pritchard, puisqu’il a été promu à une situation plus élevée, plus rétribuée, et qui embrasse une sphère d’action plus étendue. » Content de la réponse, sir Charles Grey retire aussitôt sa motion.

Je le demande à tout homme de bonne foi : quand, au mois de janvier dernier, on a entendu les prédictions de M. Hébert, de M. de Peyramont, de M. Guizot, et quand, quinze jours après, on a lu les déclarations de sir Robert Peel, de lord John Russell, de lord Palmerston, de M. Hume, peut-il rester un doute sur la valeur, sur la portée de l’arrangement conclu entre les deux cabinets ? On prétend quelquefois que c’est là une question secondaire et qui ne vaut pas tout le bruit qu’on en a fait. On se trompe. Les questions d’honneur, de dignité, d’influence, ne se mesurent pas à l’étendue du terrain où elles se posent. Il arrive même que, plus ce terrain est étroit, plus éclate avec évidence le bon ou le mauvais vouloir, la loyauté ou la perfidie, la fermeté d’ame ou la faiblesse. Qu’on s’évertue donc à prouver que la conquête des Marquises et de Taïti est une conquête onéreuse, misérable, ridicule ; qu’on traite le roi Yoteté, la reine Pomaré et le missionnaire Pritchard comme ils méritent d’être traités ; qu’on établisse qu’il s’agit, après tout, d’une querelle de boutique ou de sacristie, et l’on n’en aura que mieux démontré ce qu’il y a eu d’inoui dans les injonctions de l’un des deux cabinets, ce qu’il y a eu de déplorable dans la condescendance de l’autre. En 1840, l’Angleterre a sacrifié l’alliance française à la question d’Égypte, qui du moins était quelque chose ; en 1844, elle a voulu la sacrifier à la question de Taïti, qui n’est rien. Il y a progrès, comme on voit, mais non dans le sens de l’union et des bons procédés.

Quoi qu’il en soit, cette grande affaire entre dans une nouvelle phase où sans doute l’Angleterre nous laissera nous débattre en paix. Par le désaveu de l’amiral Dupetit-Thouars, par l’indemnité Pritchard, elle a frappé à mort notre influence dans ces parages. Elle peut maintenant