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encore, et qu’il promettait avant trois mois le rétablissement de la famille Shaab.

Que s’est-il passé depuis cette époque ? On ne peut le savoir exactement. Ce qu’il y a de certain, c’est que la négociation a échoué ; ce qu’il y a de certain encore, c’est que l’Angleterre s’y est nettement prononcée contre la France. Si l’on en croit quelques correspondances, elle aurait fait plus, et son consul aurait hautement déclaré aux populations du Liban « que l’appui de la France leur était plus nuisible qu’utile, et que, pour réussir, il fallait qu’elles eussent recours à de plus puissans protecteurs. » Quoi qu’il en soit, l’autorité chrétienne et unique dont la France demandait le rétablissement n’a point été rétablie, et la guerre civile, une guerre civile terrible et sanglante, a éclaté entre les deux populations. Surprise par ces tristes évènemens, qu’elle aurait pu, qu’elle n’a pas voulu prévenir, la diplomatie, assure-t-on, se remet à l’œuvre, et bientôt sans doute nous verrons sortir de ses conférences quelque nouveau palliatif aussi misérable, aussi impuissant que les précédens. En attendant, je le répète, l’entente a échoué en Syrie comme en Servie, et rien n’annonce qu’elle soit à la veille de réussir.

J’ai dit un mot déjà de la question des frontières grecques. Voici, si je suis bien informé, en quoi consiste cette question. Comme tous les vrais patriotes, comme tous les hommes de sens, le chef du cabinet grec croit que le traité de 1832 a mal fixé la limite des deux états, et que, le jour où une crise éclaterait en Orient, la Grèce devrait se fortifier et s’étendre ; mais, comme tous les vrais patriotes, comme tous les hommes de sens, le chef du cabinet grec pense en même temps que le moment n’est pas venu pour son pays d’accomplir toutes ses destinées, et que, jusqu’au jour d’un ébranlement général, il ne saurait être question de briser ou de violer les traités. Loin de favoriser, loin de tolérer les collisions partielles qui, de tout temps, ont eu lieu sur la frontière des deux états, le chef actuel du cabinet grec a donc tout fait pour les prévenir, pour les réprimer, et, mieux que ses prédécesseurs, il y est parvenu ; mais, je l’ai dit, le chef actuel du cabinet grec a, aux yeux de certains diplomates, un grand tort, un tort irrémissible, celui de n’être pas le favori de l’Angleterre. On comprend, d’un autre côté, que le divan voie d’un œil inquiet et jaloux un état dont le passé l’irrite et l’humilie, dont l’avenir le préoccupe et le trouble ; on comprend, par conséquent, qu’il soit toujours disposé à accueillir les mauvaises nouvelles qu’on lui donne, les alarmes qu’on