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religieuse. Or, qui oserait soutenir qu’en ce moment l’Angleterre et la France ont dans les affaires de l’Orient une politique et une conduite commune ? Sans parler de la grande crise à laquelle tout le monde pense, excepté le gouvernement français, et qui éclatera tôt ou tard, le cours naturel des choses amène chaque année une ou deux difficultés politiques qu’il faut bien résoudre. L’an dernier, c’était la question serbe. Cette année, c’est la question syrienne et celle des frontières de la Grèce. Qu’est devenue, que devient l’entente en présence de ces questions ? Assurément, la question serbe, cette question si grave, offrait à l’Angleterre l’occasion la plus naturelle, la plus heureuse de résister, d’accord avec la France, aux empiètemens de la Russie en Orient, et de protéger réellement contre un trop puissant voisin l’indépendance de la Porte ottomane. La Servie le désirait, la France le proposait, et l’ambassadeur anglais à Constantinople en était d’avis. Au lieu de saisir cette occasion, l’Angleterre en a référé à l’Autriche, laquelle, selon son habitude, s’en est rapportée à la Russie, de sorte qu’en définitive la Russie a été maîtresse de décider si l’Angleterre prendrait ou non parti contre elle. La conséquence, c’est que l’Angleterre a refusé son concours, c’est que la France s’est désistée, et que la Servie a dû faire elle-même ses affaires. Si elle les a bien faites, le mérite en appartient à elle seule, et l’entente n’y est pour rien.

Voilà pour la question serbe. Quant à la question syrienne, c’est directement entre la France et l’Angleterre que le conflit a eu lieu. La France, on le sait, est depuis plusieurs siècles la protectrice naturelle et reconnue des populations chrétiennes du Liban. Depuis quelques années, en revanche, l’Angleterre a pris les populations druses sous sa protection. De là l’étrange arrangement qui, en 1842, sépara les Druses des Maronites, et frappa ceux-ci dans la personne de leurs anciens chefs. Malgré les efforts de M. Guizot, l’arrangement de 1842 fut, on s’en souvient, blâmé par la chambre, et le cabinet français, en présence de ce blâme, dut prendre l’engagement positif d’en négocier un nouveau. Cette négociation fut entamée en effet, et l’an dernier, dans la discussion des crédits supplémentaires, M. Guizot déclarait positivement qu’il en espérait le succès. Il reconnaissait en même temps qu’une expérience de deux années condamnait l’état actuel, et qu’il était nécessaire « de ramener l’administration de la Syrie au principe d’une autorité chrétienne et unique. » On assure qu’au pied de la tribune le langage de M. Guizot était plus explicite