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venait au secours d’idées universellement admises ; il fut donc accueilli avec empressement. Le phlébentérisme fut déclaré anéanti à jamais et relégué au rang des chimères. Nous employons ici un des mots les plus doux qui lui aient été appliqués.

Cependant M. Milne Edwards d’abord, puis MM. Milne Edwards et Valenciennes présentèrent à l’Académie de nouvelles recherches sur la circulation des mollusques en général. Les travaux entrepris par ces deux naturalistes embrassaient non plus un groupe circonscrit, mais l’ensemble de l’embranchement tout entier. Chaque classe, chaque ordre presque avait ses représentans dans leurs mémoires, et souvent plusieurs espèces appartenant à la même famille, au même genre, avaient été examinées. Une partie de ces travaux avaient été exécutés par M. Milne Edwards sur des mollusques vivans de Sicile, d’Italie, de Bretagne ; d’autres furent faits en commun avec M. Valenciennes, soit sur des espèces marines envoyées à Paris par des correspondans zélés, soit sur des espèces terrestres que chacun peut se procurer en tout lieu, soit enfin sur des individus empruntés à la belle collection que M. Valenciennes a fondée au Muséum. On voit que les deux célèbres collaborateurs n’avaient rien négligé pour donner à leurs résultats toute la généralité, toute l’autorité désirable, et les pièces nombreuses placées par eux sous les yeux du public ne durent laisser aucun doute dans l’esprit des juges impartiaux.

Eh bien ! il résulte des faits recueillis par MM. Milne Edwards et Valenciennes que chez tous les mollusques l’appareil circulatoire est incomplet, que chez tous les animaux de cet embranchement le sang, au sortir des artères, s’épanche librement dans la cavité abdominale.. Cette dégradation d’un appareil si important n’a pas lieu d’une manière brusque. Natura non facit saltus, a dit Linné, et la vérité de cet aphorisme de l’illustre Suédois se montre ici d’une manière remarquable. Chez les mollusques les plus élevés, il existe un appareil artériel très développé et un nombre considérable de veines bien caractérisées. A mesure que l’on descend vers les rangs inférieurs du groupe, les veines diminuent en nombre et se simplifient de plus en plus. Chez l’aplysie, il n’existe d’autre vaisseau de cet ordre que les gros troncs qui mettent le cœur et les branchies en communication. Le sang veineux se meut dans tout le corps et arrive à l’organe respiratoire, non plus par des vaisseaux clos et ayant des parois propres, mais par un ensemble de lacunes assez semblable au tissu d’une éponge ; cependant l’aplysie est toute voisine de nos phlébentérés. On voit que le phlébentérisme, bien loin de former une exception comme nous l’avions cru nous-même d’abord, se trouve en définitive être la règle générale.

Nous venons d’employer ce mot phlébentérisme dans l’acception qu’on lui a donnée pendant le cours de cette discussion. Ce n’est pas le sens que nous lui avions attribué en le proposant. Nous avions voulu désigner seulement, par cette expression, toute disposition organique en vertu de laquelle une