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douteuses ; mais parviendra-t-on sur tous les points à la certitude scientifique ? Nous n’oserions l’affirmer. Cette architecture, quoique complètement distincte et de l’architecture romaine et de tous ses dérivés, n’est cependant pas entièrement originale. Les élémens qui la constituent sont presque tous empruntés ; les uns viennent directement d’Orient, les autres sont comme détachés pour ainsi dire des monumens romains existant sur notre sol, quelques-uns enfin sont le produit de traditions purement locales. Ce n’est pas un tout homogène, vivant de sa propre vie, conséquent avec lui-même dans toutes ses parties, depuis la racine jusqu’au sommet ; c’est un composé, c’est une compilation, pour employer ce mot que l’illustre critique cité plus haut applique à tort, selon nous, à toutes les architectures du moyen-âge sans distinction, mais qui ne manque pas de justesse, si l’on s’en sert pour qualifier l’architecture à plein cintre, principalement pendant les siècles de sa complète décadence. Or, comme il est impossible de faire l’analyse méthodique d’une compilation, il ne faut pas s’étonner que toute classification rigoureuse et complète des monumens à plein cintre nous semble un problème presque insoluble, et que, tout en constatant les règles générales auxquelles ils sont soumis, nous devions probablement nous résigner toujours à laisser fléchir ces règles devant un certain nombre d’exceptions.

La même observation s’applique aux monumens mixtes, c’est-à-dire à ceux qui participent à la fois et de l’architecture à plein cintre et de l’architecture à ogive, soit que ces deux formes d’arcade y figurent simultanément, soit que, composés exclusivement d’ogives, ils conservent néanmoins tous les autres caractères des constructions à plein cintre. C’est peut-être autour de ces monumens mi-partis que s’est amassé le plus d’incertitude et d’obscurité. Bien qu’ils appartiennent à une époque où documens historiques commencent à devenir abondans, on ne trouve dans les témoignages écrits que bien peu de paroles qui les concernent, et quelques-unes de ces paroles prêtent à des équivoques et servent à accréditer des erreurs. Vieillir ce qui est ancien est un plaisir auquel bien peu d’esprits savent résister. C’est là ce qui explique l’empressement avec lequel on s’est armé de textes ambigus ou mal interprétés pour attribuer à quelques monumens de cette catégorie une antiquité exceptionnelle et merveilleuse. Ces hérésies ont beau être victorieusement combattues, elles n’en renaissent pas moins à tout propos, et contribuent à entretenir le scepticisme chez ceux qui sont portés à ne pas admettre la possibilité de classer