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moins solide que le chœur, ayant menacé ruine assez promptement il fallut la reconstruire, et que ce fut Charlemagne lui-même par qui ce grand travail fut entrepris.

Il ne faut pas oublier, dit-il, que Charlemagne fut sacré roi à Noyon, ainsi que le rapportent et Sigebert, dans ses chroniques, et plusieurs autres historiens. Or, peut-on croire que ce grand homme qui mit sa gloire à bâtir tant d’église et de monastères eût laissé inachevée ou près de s’écrouler la nef d’une cathédrale qui avait eu l’insigne honneur de le voir prendre la couronne et prêter son serment de roi. A l’appui de son opinion, Levasseur invoque une tradition que son grand oncle, chanoine comme lui, tenait des plus vieux chanoines de son temps, tradition qui attribuerait à Charlemagne non-seulement la construction de la nef, mais celle des deux clochers qui la précèdent. C’est en vertu de cette tradition, dit-il, que fut peint le vieux tableau que nous voyons en la croisée septentrionale de notre église, vis-à-vis du vestiaire, et qui représente la cérémonie du sacre de Charlemagne. Le monarque n’y est-il pas figuré tenant d’une main la boule du monde chrétien, et de l’autre portant puissamment cette lourde masse de la nef et de ses clochers ? Cela ne veut-il pas dire qu’il est le fondateur des clochers aussi bien que de la nef ? Cette peinture, aux yeux de Levasseur, était, sinon du temps de Charlemagne, au moins de la plus haute antiquité, et, pour preuve, il raconte que le roi Louis XI, se rendant à Péronne en l’année 1468, s’arrêta quelques instans à Noyon, visita l’église cathédrale, et fut si touché à la vue de ce tableau, le trouva si ancien et si vénérable, qu’il voulut en avoir une copie. Il demanda, dit-il, un pourtraict de ce pourtraict ; ce que le chapitre s’empressa de lui accorder, comme le constataient les registres capitulaires.

Telle est donc l’opinion bien arrêtée de notre chanoine : le chœur a été bâti par saint Médard, la nef et les clochers sont l’œuvre de Charlemagne.

Toutefois, il lui vient quelques scrupules. Il se demande si ce vieux tableau est aussi vieux qu’il en a l’air ; si, quoique d’un travail très ancien, il n’aurait pas été renouvelé postérieurement à la construction des clochers, et si le copiste, en plaçant l’église dans la main du monarque, ne se serait pas permis la licence de la peindre, non telle qu’elle avait été, mais telle qu’il la voyait.

Sans nous arrêter à cette explication, et tout en croyant, ce qui n’a rien d’impossible, ce qui est même assez probable, que Charlemagne ait fait ajouter à la cathédrale de Noyon une nef et deux tours, en