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Il existe à la Bibliothèque du roi un assez grand nombre de cartons pleins de pièces manuscrites relatives à la ville et à l’évêché de Noyon. Nous avons parcouru et examiné toutes ces pièces ; elles contiennent d’abondans matériaux pour l’histoire locale, beaucoup de particularités et de détails plus ou moins curieux sur le bailliage, l’échevinage, les élections et les corps de métier, sur les congrégations religieuses, les paroisses et les hôpitaux, sur les droits, statuts et règlemens du chapitre, sur les prérogatives et revenus de l’évêché, en un mot, à peu près sur tout, excepté sur l’église Notre-Dame. Pas une quittance, pas un mémoire, pas une note concernant les travaux qui ont dû être exécutés dans ce grand édifice à tant d’époques différentes, si ce n’est toutefois quelques mots sur les restaurations de 1743 et de 1757 qui défigurèrent le chœur[1], et sur le badigeonnage de 1771[2] dont les tristes effets se font encore sentir. Est-il besoin de dire que ce n’est pas là ce que nous cherchons ?

Nos investigations sur les lieux, à Noyon même, n’ont pas été plus heureuses. On n’y a pas conservé une seule tradition de quelque valeur au sujet de l’ancienne cathédrale, pas un papier important qui ait échappé, soit aux nombreux incendies qui ravagèrent successivement la ville, soit aux dévastations révolutionnaires, soit à l’insouciance des habitans[3].

  1. Elles avaient pour but de mettre les chanoines à l’abri du froid. Pour mieux se garantir, ils avaient fait élever outre mesure la cloison contre laquelle étaient adossées leurs stalles. Ce changement n’était pas heureux : les habitans de Noyon se permirent d’en médire, et il courut par la ville force quolibets et chansons contre les chanoines ; en voici un couplet, rapporté dans les cahiers manuscrits relatifs au chapitre :

     Et puis notre usage estant,
    Faut-il donc qu’on vous le dise ?
    De causer à chaque instant
    Et de rire dans l’église,
    N’est-il pas de notre honneur
    Que le public, dans le chœur,
    Ne puisse voir goutte,
    Goutte, goutte, goutte.

  2. Ce badigeonnage n’était pas le premier, car, en écaillant les murs, on retrouve plusieurs couches de badigeon. Du temps de Levasseur, il y avait encore quelques parties de l’église couvertes d’anciennes peintures. Il dit qu’on voyait « des pourtraits arrangez par dedans, au-dessous de la clef de la voûte du chœur, qui sont les représentations d’autant de personnages de l’ancien Testament, jointe l’image de la très sainte Marie, mère de Dieu, et l’histoire des trois roys. »
  3. Il existe bien à l’hôtel-de-ville un manuscrit, le seul peut-être qui se soit conservé : c’est un document précieux, mais qui n’a aucun rapport avec l’objet de nos recherches. Il est intitulé : « Registre de tous les bourgeois faits et créés en la ville de Noyon depuis l’an mil trois cent vingt-quatre, et des serments que les maires et échevins prêtent quand ils sont faits et renouvelés. »
    Nous ignorons si, dans les archives du département, à Beauvais, on pourrait btenir de plus utiles découvertes. Ce dépôt est assez riche pour qu’il soit permis de l’espérer ; mais il faudrait faire des recherches toutes spéciales, qui ne paraissent pas avoir encore été entreprises.
    Nous devons joindre à la liste des ouvrages que nous avons consultés inutilement, d’abord celui de Colliette, intitulé : Mémoires sur le Vermandois, en trois volumes in- 4° : c’est une histoire ecclésiastique qui ne dit pas un mot des églises : ensuite les Antiquités de Noyon, par Duchesnes ; l’Ancien Noyon, par Desrues, et enfin deux ouvrages modernes composés de citations, extraites soit de pièces manuscrites, soit des différens auteurs que nous venons de citer. Ils ont été publiés par M. de la Fons, baron de Mélicocq. L’un de ces ouvrages a pour titre Recherches historiques sur Noyon et le Noyonnais, vol. in-8o, 1837 ; l’autre est intitulé Une Cité picarde au moyen-âge, ou Noyon et le Noyonnais aux quatorzième et quinzième siècles, 1 vol. in-8o, 1841. Ces deux recueils sont pleins de faits intéressans ; mais l’auteur paraît n’avoir rien trouvé qui se rapporte à la construction de la cathédrale. Il se borne à citer les dates données par Levasseur, en exprimant cependant quelque doute sur leur exactitude.