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conduit à soulever, dans l’intérêt de sa réélection, la question de l’annexion du Texas. Il se proposait de jeter la discorde entre les hommes les plus éminens du parti démocratique, tandis que lui-même rallierait autour de cette’ question tous les états du sud sans distinction de partis, et ceux des états du nord qui sont démocrates et votent habituellement avec le sud. Il serait arrivé ainsi à former une majorité qui aurait eu l’annexion pour programme et aurait porté à la présidence le promoteur de cette mesure, M. Tyler lui-même. Cette intrigue fut déjouée par la prépondérance que le parti whig conservait dans le sénat. Il fallait que le traité conclu par M. Tyler obtînt dans le sénat les deux tiers des voix, 35 sur 52 : c’est-à-dire qu’on réunît les 26 voix des états du sud, et qu’on trouvât un appoint de 9 voix parmi les sénateurs démocrates du nord. Ce fut précisément la majorité que le traité trouva contre lui. Sur 29 sénateurs whigs, 28 le rejetèrent, et rallièrent à eux 7 sénateurs démocrates. Avec le rejet du traité s’évanouirent les espérances de M. Tyler. L’un des chefs du parti démocratique dans le sénat, le colonel Benton, s’était montré l’un des plus ardens adversaires du traité ; il résolut de tourner à son profit l’échec essuyé par M. Tyler. Le colonel Benton, qui représente le Missouri au sénat depuis l’admission de cet état dans l’Union, est l’homme le plus influent de l’ouest. Hardi, persévérant, plein de ressources, orateur habile, pamphlétaire passionné et plein de puissance ; il fut l’ame de la croissance du général Jackson contre la banque des États-Unis, et il était de moitié dans toutes les entreprises de celui-ci contre les droits du Mexique. Depuis long-temps il se regardait comme appelé à recueillir la succession de M. Van Buren, et il avait fait de l’annexion le point d’appui de sa candidature éventuelle à la présidence. Il lui sembla que M. Tyler, en soulevant cette question, lui ravissait son bien ; et il n’eut de repos que le traité ne fût rejeté. Il voulut alors reprendre la question pour son propre compte, en faisant disparaître le principal grief du nord, la rupture de l’équilibre entre les états libres et les états à esclaves. M. Clay, obligé par position de combattre l’annexion dans les circonstances actuelles, quoiqu’il en admît le principe, avait suggéré un expédiens : c’était de faire pour le Texas ce qui avait été fait en 1822 pour la Louisiane et le Missouri, d’établir un égal partage entre le travail libre et le travail esclave. M. Benton s’empara de cette idée et en fit la base d’une motion. Le sénat devait consacrer le principe de l’annexion, et la différer jusqu’à ce qu’on obtînt le consentement du Mexique : pour rendre ce consentement plus facile à obtenir, M. Benton resserrait considérablement les limites du Texas. Ce pays devait être divisé en deux zones parallèles, et en quatre états : deux au nord et libres, deux au sud où l’esclavage aurait été permis. On aurait admis immédiatement, comme état à esclaves, la portion actuellement habitée, et les trois autres états à mesure qu’ils auraient atteint la population légale. Ce projet fut également rejeté, mais à une majorité plus faible que le traité de M. Tyler, et nous avons cru devoir en faire mention, parce que, si l’annexion se réalise un jour, ce sera, sans aucun doute, de cette façon.