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succès ; mais il est également hors de doute que les élémens dont elle se doit composer fermement dans la société espagnole : à vrai dire, elle existe déjà ; elle n’est pas étrangère à l’agitation qui naguère s’est brusquement produite de la Rioja au camp de Gibraltar. Le mouvement de Zurbano n’est pas un mouvement progressiste ; avant de lever son drapeau, l’ancien contrebandier n’a consulté ni M. Cortina, ni M. Serrano, ni M. Madoz, ni aucun des chefs du parti progressiste. Zurbano n’a point oublié la coalition de juin 1843 ; s’il était parvenu à reformer ses bandes, s’il avait pénétré dans Madrid, son triomphe, nous en sommes sûrs, n’aurait point tourné au profit de ceux qui ont renversé son maître et son idole. Que les hommes qui, à cette heure, gouvernent la Péninsule, sachent donc bien à quoi s’en tenir. A une époque peu éloignée de nous, selon toute apparence, MM. Madoz, Cortina, Lopez et leurs amis renteront au congrès : au nom de la constitution de 1837, ils s’efforceront, par les voies légales et parlementaires, de réinstaller au pouvoir les principes que l’on en bannit aujourd’hui ; mais, assurément, dans un pays constitutionnel, de telles prétentions n’ont rien que de fort légitime, et pour les institutions qu’on va donner à l’Espagne, ce n’est point au congrès ni dans la presse que sera le plus grand péril. Le péril sera dans les menées révolutionnaires qui sourdement agiteront le pays ; de temps à autre, ces menées feront explosion, comme l’an dernier en Catalogne, comme cette année même à Carthagène et à Alicante, comme hier dans la Rioja, si, après qu’il aura voté le projet de réforme, le parti modéré ne s’efforce point d’administrer ou plutôt de réorganiser l’Espagne, de façon à prouver non-seulement qu’il comprend les vrais intérêts moraux et matériels de la Péninsule, mais que sous la charte de 1844, ces intérêts peuvent prospérer et grandir.

A l’époque où l’opposition légale viendra prendre place sur les bancs du congrès, la situation sera difficile pour les membres modérés, qui ne voulaient point réformer la charte. Cette fraction du parti dominant se subdivise en deux catégories : d’un côté, ceux qui ont essaye de défendre contre la réforme les principes mêmes de la constitution de l837 ; de l’autre, ceux qui n’ont élevé qu’une simple question d’inopportunité. En dépit des dissidences actuelles, ces derniers s’uniront au gouvernement de la façon la plus étroite ; quant aux autres, ils devraient, s’ils étaient conséquens avec eux-mêmes, faire cause commune avec l’opposition. Ce n’est là, du reste, qu’une induction, une conjecture, et Dieu sait comme en Espagne les conjectures sont déconcertées par les évènemens ! Ne nous occupons, encore une fois, que des périls bien réels, des périls incontestables du présent : nous avons montré ceux que réservent à la Péninsule les dispositions très visibles de la portion la plus avancée du parti progressiste ; examinons maintenant ceux que le parti absolutiste lui peut préparer.

Le parti absolutiste, et par ce mot le parti qui a soutenu don Carlos - s’est hautement et ardemment prononcé en faveur de la réforme ; au congrès et au sénat, durant les débats de l’adresse, il a manifestement