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condition. A l’abri de ce roseau des sables, on sème des genêts, des ajoncs, et parmi eux des pins, dont ils protègent la jeunesse. La perméabilité du sable, l’humidité constante qu’y entretient la capillarité, favorisent la rapide extension des racines qui lui sont confiées, et la forêt d’arbres verts s’élève. L’une des plus belles de France est celle dont sont aujourd’hui couvertes les dunes qui blanchissaient, il y a soixante ans, l’horizon à l’ouest de la Teste de Buch : c’est là que Brémontier a fait ses premiers essais ; ces arbres ont été semés par lui, et leurs troncs robustes, leurs cimes verdoyantes disent mieux que tous les discours à quel état on peut porter les 120,000 hectares de dunes du golfe de Gascogne. Du moment où la dune est garnie des plantes les plus humbles, les tempêtes les plus furieuses n’entament plus sa surface ; le sable pesant trop pour être soulevé comme la poussière, court rarement à plus de 50 centimètres de terre, et, aux premiers obstacles que présentent des clayonnages artificiels, des semis ou des plantations, le vent qui l’emporte est forcé de le déposer. Le sol, s’élevant ainsi sur les végétaux qui le couvrent, finit par former un talus rapide sur la pente duquel les nouveaux sables fournis par l’estran glissent, et redescendent vers la mer. Un entretien peu dispendieux des plantations suffit pour maintenir cet équilibre, et dès-lors, si la dune s’élargit, c’est aux dépens de la mer et non pas des terres dont elle la sépare ; le vent n’agit plus que comme Sisyphe, et le grain de sable qu’il a remonté retombe pour opposer une barrière aux flots. Les champs et les villages menacés d’être engloutis sont sauvés, la dune elle-même devient féconde, et, partout où elle est accessible, ses produits en résine et en bois atteignent, s’ils ne les surpassent, ceux des terres labourables. Elle n’arrive, il est vrai, à cet état que lorsque les plantations sont âgées de trente ans.

Aux yeux de quiconque a observé ces phénomènes dans leur généralité, des dunes seront pour une ligne de fer un voisinage inquiétant. Indépendamment de la marche régulière par laquelle celles du Pas-de-Calais menaceront le chemin de Boulogne, il faudra, disait-on, le chercher parfois sous ces nuages de sable que les tempêtes soulèvent et déposent au loin ; les sables dont les rails seront saupoudrés par les vents ordinaires augmenteront le frottement sous les roues des convois, et ceux qui s’insinueront entre les pièces mobiles des machines et des voitures en accéléreront la destruction : les vents d’ouest exerceront d’ailleurs, en travers des convois, une pression qui nécessitera un notable accroissement de force, et travaillera sans cesse à la désorganisation de la voie : ainsi la voie sera compromise, et les frais