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S’il s’ouvrait en avant du port de Boulogne une rade, cet état de choses changerait complètement. Cet atterrage deviendrait un rendez-vous de navires, et il s’y formerait une puissante marine locale. Or, le port de Boulogne peut être abrité des vents d’ouest, il peut y être annexé une rade vaste, sûre, commode, et la réalisation d’une entreprise si féconde n’est, au-dessus des ressources ni de la persévérance de la nation. La nature, qui a traité d’une manière si inégale la côte de France et la côte d’Angleterre, a elle-même posé des bases sur lesquelles il dépend de nous de rétablir une sorte d’équilibre.

La Bassure de Baas est un banc sous-marin qui commence à environ dix-huit milles à l’ouest de la baie de l’Authie, et se rapproche de nos côtes en se dirigeant, du sud-ouest au nord-est, vers le cap. Gris-Nez ; il se termine, au nord-ouest de Boulogne, à 3,600 mètres de la terre ; son extrémité septentrionale est sa partie la plus élevée. Sur une longueur de 4,700 mètres, elle forme une crête presque parallèle à la côte, et dont la profondeur moyenne n’est que de 7 mètres au-dessous des basses mers de vive eau ; cette digue sous-marine reçoit les coups de mer du large et forme la rade foraine d’Ambleteuse, qui, toute mauvaise qu’elle est, offre aux grands bâtimens compromis dans ces parages un mouillage tenable par certains vents[1]. Le complément de cet ouvrage de la nature remédierait aux désavantages de notre établissement maritime sur la Manche. Il s’agirait d’élever sur cette crête de la Bassure, qui offre pour cela une base suffisamment large, une digue insubmersible de 4,000 mètres de longueur. La hauteur de cet ouvrage serait de 18 mètres, dont 7 mètres au-dessous de la basse mer, 9 pour atteindre le niveau de la haute mer de vive eau, et 2 pour le dominer. Avec 90 mètres de base et 6 de couronnement, sa section transversale serait de 864 mètres carrés : c’est à peu près la moitié de celle de la digue de Cherbourg. Le cube de matériaux employés serait d’environ 3,400,000 mètres cubes, et la dépense de 34 millions de francs. L’extrémité méridionale de la digue serait à 4,000 mètres de celle du chenal de Boulogne, et l’espace abrité serait d’une lieue car rée, l’ancrage y est excellent, et les plus grandes flottes pourraient y mouiller à l’aise. Il est superflu de remarquer que l’effet utile des travaux

  1. Voir : Pilote français, partie des côtes septentrionales de France comprise entre la pointe de Barfleur et Dunkerque, in-4o. I. R. 1842. — Cartes des côtes de France, levées par les ingénieurs hydrographes de la marine sous les ordres de M. Beautems-Beaupré : 1° partie comprise entre la pointe Saint-Quentin et Calais (1841) ; 2° partie comprise entre Dannes et. Ambleteuse (1840) ; 3° port de Boulogne et ses environs (1840). Dépôt général de la marine.